Légende de Tunisie

 Une ville pour une peau de bœuf

On raconte qu’une princesse phénicienne nommée Élyssa était mariée à Sicharbas, un homme riche qui possédait un trésor fabuleux. Se sentant menacé par Pygmalion, son beau-frère devenu roi, Sicharbas le cacha en un lieu sûr et tint sa femme informée. Peu de temps après, il rendit l’âme, victime de Pygmalion, qui le fit assassiner avant de harceler longuement sa propre sœur au sujet du trésor, sans parvenir à ses fins. Mais craignant pour sa vie, celle-ci fit appel à ses hommes les plus fidèles, emporta le trésor et quitta son pays.

La flotte d’Élyssa erra longtemps en Méditerranée, avant d’accoster sur les rives de l’actuelle Tunisie. L’endroit était agréable, le sol fertile et les côtes imprenables à première vue. Souhaitant s’y installer et fonder une ville, Élyssa demanda au chef de la tribu qui occupait les lieux l’autorisation de disposer d’un territoire, moyennant une forte somme. Celui-ci refusa. – Notre terre n’est pas à vendre, dit-il avec arrogance. Élyssa enjoignit à ses hommes de lui soumettre un grand coffre plein d’or, de bijoux et de pierres précieuses.

– Cette fortune sera à vous si vous consentez à me vendre un territoire sur lequel je m’établirais avec mes hommes.

Le chef de tribu lui tendit alors une peau de bœuf en lui disant d’un air moqueur :

– Le territoire que vous arriverez à couvrir avec cette peau est à vous !

Élyssa accepta le marché. Et contre toute attente, elle découpa la peau en très fines lanières et obtint, en les mettant bout à bout, une corde d’une grande longueur. Avec la corde ainsi formée, elle chargea ses hommes d’enclore un territoire de surface maximale. Ce fut la colline de Byrsa (« peau de bœuf »), sur laquelle Élyssa fondera Carthage qui sera bientôt le chef-lieu d’un grand empire qui tiendra la dragée haute à Rome, pendant des siècles.