Abdelkader Ben Cheikh
Le roman « Et ma part d'horizon » (1970) d'Abdelkader Bencheikh s'incrit dans le cadre d'un nouveau courant littéraire qui se développe en Tunisie et qu'on appelle à tort ou à raison le 'courant formaliste'. Ce roman décrit les désillusions de l'indépendance à l'échelle d'un village, vraisemblablement le village de Zaghouan, situé à une soixantaine de kilomètres au sud de Tunis. Avec la jeune école 'formaliste', la création littéraire tunisienne prend une dimension politique très précise, notamment dans la lutte avouée ou larvée contre l'idéologie dominante qui impose ses propres normes esthétiques, comme elle impose d'autres normes de divers ordres.
Communiqué : nous avons appris de source sûre que des négociations secrètes se déroulent entre colonisateur et colonisé. Mais le combat continue.
Pluies de mars
Grand moment à vivre
Nous nous sentions comme étrangers à la fête
Tant nous n'étions pas habitués à la joie
Mille excuses, ami !
Nous avons bu de la boukha
Eau-de-vie, ce jour-là, permise
A petites gorgées
Au cœur même de l'instant.
Nous avons tété mille et un seins de pucelle
De quoi ressusciter un mort
Comme si la saveur en était nouvelle
Comme si l'enfant que nous étions n'avait jamais tété
Gouttes : grains de bonheur.
Et nous avons adressé des paroles
A dieu, à l'homme
Maître du destin
Dans les temples de la volupté
Dans les rues où naguère régnaient
Injustice et frustration
Près du four campagnard.
Noyé dans la sueur des fronts bruns
A l'heure où le pain s'offre
Doré et appétissant.
Ils sont venus prier ivres-morts
En costumes bédouins
Parés de palmes
Nu-pieds, criant
Folie de printemps
Folie permise
Ils se sont rassemblés en cercles
Je le jure sur ma foi
sur l'histoire
Ils criaient
Dansaient
Les pieds bien sur terre
Les femmes poussaient des cris de joie
Personne n'a dormi
Ils rêvaient
rêvaient
rêvaient
Ma part d'horizon
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