KIm Un-su
Kim Un-su, né en 1972 à Busan, a étudié la littérature coréenne à l’université Kyunghee. Sa carrière de romancier débute en 2002 avec deux nouvelles « L’atelier d’écriture » et « Rue Dan Valjean ».
Il
vit loin des grandes villes et de leur agitation, et s’attache à
montrer, dans des récits alertes, les dérives de la société
moderne avec un humour qui ne s’éloigne jamais de l’absurde. La
société post-moderne entraîne pour Kim Un-su des dérives et des
symptômes et créent des individus étranges révélant parfois des
vérités tout aussi étranges.
Passionné
de vie à la montagne et de calme, il montre aussi ce que les petites
gens des campagnes et des quartiers ont de sympathique et de
profondément humain.
Jeunes gens, ayez de l'ambition !
Tout à l'école m'irritait, et surtout cette statue avec son mot d'ordre : « Jeunes gens, ayez de l'ambition ! » Si par chance un bâton de dynamite m'était tombé sous la main, c'est elle que j'aurais fait sauter en premier. Bien plus grande que nature, elle surplombait l'entrée principale de toute la hauteur de ses deux mètres quarante. Le visage du fondateur du lycée, un homme parti de rien qui avait réussi à la force du poignet, aurait servi de modèle. Avec son air résolu et son gros bras tendu à quarante-cinq degrés vers le ciel, on aurait dit le général Rommel lançant du haut de son blindé l'offensive finale de sa panzerdivision. Sur le socle, une plaque de marbre proclamait en gros caractère : « Jeunes gens, ayez de l'ambition ! » Etait-ce parce que le sculpteur avait, par souci du réalisme, voulu représenter fidèlement les traits du fondateur ou à cause d'un moulage raté, toujours est-il que le visage plissé et grimaçant de l'homme de bronze était loin de nous inspirer de l'ambition. Bien au contraire, avec son air contrarié il semblait se dire : « Mais qu'est-ce que je fiche ici à vouloir encourager ces incapables à la porte du lycée alors que je serais bien mieux à ma place à la galerie Rodin ? »
Quand je passais devant elle, je me faisais tout petit. Notre école avait institué cette règle absurde qui voulait qu'on s'arrête à ses pieds en entrant et qu'on ferme les yeux un bref instant pour méditer sur notre avenir. Tous les matins, un professeur se tenait là, un bâton à la main, pour nous surveiller tandis que, pendant trois secondes, nous baissions les paupières comme de vieux éléphants à l'agonie pour méditer sur les hypothétiques ambitions que nous devions cultiver dans nos cœurs. Peu importait qu'elles fussent réalisables ou pas. A y repenser, le défilé de deux mille garçons méditant tous les matins sur leurs ambitions à côté d'un prof armé d'un bâton, ça devrait faire une scène peu banale.
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