Kim Hye Soon


 Kim Hye Soon est une poétesse sud-coréenne née en 1955 à Uljin. Après sa thèse sur la poésie de Kim Suyong, elle a enseigné au Collège des Arts de Séoul. C’est à partir de 1979 qu’elle a commencé à publier ses poèmes pour lesquels elle a reçu plusieurs prix dont le prix Kim Suyong en 1997 et le prix de la Poésie Contemporaine en 2000.

Très fantasmagorique, le style poétique de Kim Hye Soon s’extirpe au lyrisme traditionnel pour chercher de nouvelles normes d’écriture. La mort qui imprègne ses textes s’entoure de formes symboliques que la poétesse se réapproprie. Labyrinthique, les écrits de Kim Hye Soon inventent de nouveaux espaces poétiques.


Un autre Titanic

transformé en cocotte, « un autre Titanic »

fut construit en 1911 et le lieu de lancement fut Southampton :

vitesse 22 nœuds, paquebot, charge de plus de 2000 personnes pour un seul voyage

il fut démonté l’année de mon mariage

aujourd’hui il a été transformé en grille-pain, bouilloire, poêle chinoise et

cocotte-minute coréenne

grosse bête couverte de blessures

capitaine retraité mal adapté à la vie terrestre

il cause toujours des ennuis

même sous forme de cocotte

n’ayant nulle envie de faire du riz j’ai adressé une protestation à la société de la cocotte-minute

la vapeur n’arrête pas de s’échapper du couvercle !

Combien de tonnes de riz aurai-je lavé ? Je me lève de bonne heure, lave du riz, mets

la table, lave encore du riz, nettoie la cocotte, nettoie les cuillères, nettoie les toilettes

et lave encore du riz. J’enlève le gras du ventre d’un poulet, vide des poissons et

hache des poireaux. Je lave encore du riz. Bateau qui s’en va dans un océan immense.

Cocotte-minute de la marque « Un autre Titanic » : est-ce vraiment ma navigation ?

Replay, replay, replay.

Cocotte-minute coréenne ancrée chez moi : « Un autre Titanic ».

Combien pitoyable ! N’est jamais sortie de la cuisine.

J’en ai assez de faire du riz.

J’en ai assez de faire la vaisselle.

Que feras-tu si tu ne fais même pas ça ?

m’a demandé la cocotte-minute.

Je mangerai comme un serpent puis je m’essuierai la bouche

ai-je répondu.

Lorsque la flamme du gaz enveloppe la cocotte comme la clarté d’un projecteur, les vagues bouillent.

Quand le bateau percute un iceberg blanc comme un écran

l’image de moments miens se déverse dans la mer nocturne,

tout illuminées jusque dans l’eau

mille chambres permanentes s’enroulent comme une pellicule

une femme est changée en cocotte

en un si lent fondu enchaîné

aussitôt, la femme se noie dans des vagues blanches où bouillonnent vedettes et doublures.

C’est ce nom, « Un autre Titanic »,

construit par la Compagnie de navires White Star :

tout en progressant lentement dans la cuisine à quatre mille mètres de profondeur sous l’eau,

il fait se dissoudre de la rouille rouge dans la mer toute bleue.


Séoul, mon upanisad

Combien de montagnes faut-il traverser

pour arriver jusqu'à toi ?


Pétale après pétale

une fourmi rouge monde

dans la rose en plastique.


Je prends l'ascenseur, seule chose bien éclairé

dans la nuit silencieuse

je monte dans le corps endormi

le cœur battant.


Comment boire le lampadaire ?


Un papillon nocturne

la langue en aiguille

s'y précipite.



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