Fadi Zaghmout
« Fruit blet, à personne ne plaît. » Quel ignoble dicton ! Il me réduit à un fruit que personne n'a voulu goûter. Trop mûr maintenant.
Trente ans, quel âge haïssable ! Je le vois comme celui de la mort, une première mort pour une femme dans une société qui n'attend que de pouvoir l'affubler du titre de « 'Anis », vieille fille. Ce mot me fait frémir.
Jamais je n'ai été « digne d'être épousée ». Etre une femme digne d'être épousée, pour la plupart des gens, c'est être la plus belle. Je fais semblant d'avoir confiance en moi et d'accepter mon physique. Je dissimule mon manque d'assurance par une personnalité aimable et forte. Mon manque d'attraits, je le compense par l'humour et la légèreté.
Je prends mon ordinateur et je m'assieds sur mon lit. Je jette un œil à la photo de mon neveu, je la prends et y dépose un bref baiser avant de la remettre en place. J'ouvre internet à la page de mon blog « la vieille fille jordanienne ».
Je l'ai commencé il y a un an. Sous pseudo. Je cherche à faire passer un message, à expliquer les difficultés que je traverse en tant que femme en Jordanie. Je commence à écrire sur mon blog :
Plus je prends de l'âge, plus ma peur augmente.
Le temps file sans pitié, comme une locomotive sur le corps chétif d'un jeune enfant.
Qui dois-je blâmer sur cette terre si ma vie toute entière gravite autour de l'image d'un homme, qui de surcroît n'existe pas ?
Qui dois-je accuser ? Cendrillon ? Blanche-Neige ? Ou dois-je détester Shakespeare d'avoir gravé dans mon cœur l'exemple de Juliette avec son Roméo ?
L'épouse d'Amman
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