Amjad Nasser

 

FILLE DANS LE CAFE COSTA

Dans le café Costa, une fille est entrée et a pris place à la table face à moi, alors que le café était vide dans cette matinée acharnée en vain à tirer un rayon de soleil du ciel nébuleux de Londres. Je réfléchissais à un poème où une fille vient s'asseoir devant un homme appliqué à écrire un poème sur une fille qui vient s'asseoir devant lui dans un café vide. La fille posa ses livres sur la table, son sac à ses pieds, et ôta sa veste pourpre en cuir synthétique, des gouttes de pluie tombèrent de la veste sur le sol, ses seins tressaillirent et firent vibrer sa blouse. En se penchant vers son sac, ses cheveux déferlèrent. D'un mouvement sec, elle les ramena vers l'arrière, puis elle alluma une cigarette et se mit à siroter son café en me regardant en biais. Plus d'une fois elle tenta de me dire quelque chose, et plus d'une fois je m'apprêtais à lui parler, mais nous n'en fîmes rien. Par sa blouse bleue à manches courtes, qui révélait l'arrondi de ses bras, par ses épaules semblables à de jeunes léopards prêts à bondir et par son pied qu'elle remuait en hélice sous la table, elle ressemblait à la fille du poème. Tous les indices le confirmaient. Sous la table, le poids de l'air et son mouvement variaient. Je fis tomber mon crayon sur le sol, comme par inadvertance, pour voir ce qui s'y passait. Mais une fois relevé, je constatais que la fille avait disparu. Sur le mur en face de moi une grande affiche publicitaire représentait une fille assise seule dans un café semblable à celui-ci, à fumer et à siroter un café, le regard en biais.

Le tourbillon sous la table

La tasse de café chaud

La cigarette allumée au bord du cendrier

Le mouchoir en papier taché de rouge à lèvres

Mon cœur aux battements sonores

Et le poème né d'un autre poème.