Les mille et une nuits


 Poissons de quatre couleurs

Lorsque le roi pénétra dans le château et entendit des plaintes murmurées, il se leva et se dirigea du côté d’où il les entendait venir. Il trouva une porte sur laquelle un rideau retombait. Il leva ce rideau, et, dans une grande salle, il vit un jeune homme assis sur un grand lit élevé d’une coudée. Ce jeune homme était beau, d’une taille pliante, doué d’un parler doux et éloquent ; son front était comme une fleur, ses joues comme la rose ; et au milieu de l’une des joues il y avait un grain de beauté comme une goutte d’ambre noir. Et le poète dit :

Svelte et doux, le jeune garçon ! Des cheveux de ténèbres, si noirs qu’ils font la nuit ! Un front de clarté, si blanc qu’il illumine la nuit ! Jamais les yeux des hommes ne furent à telle fête qu’au spectacle de ses grâces. Tu te reconnaîtras entre tous les jeunes garçons au grain de beauté, unique, qu’il a sur la rose de sa joue, juste au-dessous de l’un de ses yeux !

À sa vue, le roi se réjouit et lui dit : « La paix soit avec toi ! » Et le jeune homme continua à rester assis sur le lit, vêtu de sa robe de soie brodée d’or ; mais, avec l’accent d’une tristesse répandue sur toute sa personne, il rendit au roi le salut et lui dit : « Ô seigneur, excuse-moi de ne me point lever ! » Mais le roi lui dit : « Ô jeune adolescent, éclaire-moi sur l’histoire de ce lac et de ses poissons colorés, et aussi sur ce palais et sur ta solitude et sur la cause de tes larmes ! » À ces paroles, l’adolescent versa d’abondantes larmes qui coulèrent le long de ses joues, et le roi s’étonna et dit : « Ô jeune homme, qu’est-ce qui te fait pleurer ? » Et le jeune homme répondit : « Comment pourrais-je ne point pleurer, alors que je suis dans cet état-ci ? » Et le jeune homme allongea la main vers les longs pans de sa robe et les releva. Et alors le roi vit que toute la moitié inférieure du jeune homme était en marbre, et l’autre moitié, de l’ombilic aux cheveux de la tête, était celle d’un homme. Et le jeune homme dit au roi : « Sache, ô seigneur, que l’histoire des poissons est une chose étrange qui, si elle était écrite avec le poinçon sur le coin intérieur de l’œil pour être vue de tous, serait une leçon pour l’observateur attentif !


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