Pak Wanso

Née en 1931 dans une province actuellement située en Corée du Nord, Pak Wanso intègre l'université nationale de Séoul, mais la quitte assez rapidement en raison de la Guerre de Corée (1950-1953) et la mort de son frère.

Durant la guerre, elle se retrouve séparée de sa mère et de son frère aîné par l'armée nord-coréenne, qui les ont déportés en Corée du Nord. Elle vit dans le village de Achui, à Guri en dehors de Séoul, jusqu'à sa mort.

Park publie son premier récit en 1970 avec "L'arbre nu" (Namok) à l'âge de 40 ans. En 2007 elle a écrit une quinzaine de romans et dix recueils de nouvelles dont quelques-uns ont été traduits en français.


Sortie hivernale

Notre fille, qui était mariée depuis trois ans et avait un fils d'un an, était assise bien droite sur le divan, rayonnant d'une beauté gracieuse qu'elle n'avait pas adolescente. Alors que j'admirais ma fille, en me disant qu'elle était dans la fleur de l'âge, je fus brutalement frappée par une évidence. C'était cela. Au même âge. Quelle stupéfaction de découvrir que c'était juste à l'âge qu'avait notre fille maintenant qu'à cause de la confusion de la guerre, mon mari avait été séparé de sa première femme. Bien plus, cette fille n'était pas la mienne, mais celle de mon marie et de sa première femme. Les filles ressemblent toujours à leur mère. Il était évident pour moi que mon mari se rappelait à travers sa fille sa femme laissée derrière en Corée du Nord. J'étais bien plus jeune qu'elle, mais c'était moi maintenant qui vieillissais et enlaidissais, aux côtés de mon mari, alors que cette femme vivait dans son cœur, rayonnante de la beauté et de la jeunesse de notre fille. En le comprenant, je sentis la jalousie se dresser en moi comme la tête d'un serpent venimeux. Lorsqu'une femme est jalouse, il lui faut en général une touffe de cheveux à agripper. Mais, à cet instant, il n'y avait rien. Je n'eus d'autre choix que de me maîtriser, gardant ma dignité. Et ce fut plus que pénible. La jalousie ainsi étouffée donna naissance à une vive déception, comme si j'avais vécu jusque là pour rien.

 

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