Conte de Corée
Pourquoi la gueule du lièvre est fendue de trois côtés
Jadis une loutre se nourrissait de glands et de châtaignes au pied du mont Paektu, le plus haut sommet de Corée. Mais voilà qu'un tigre se dirige vers elle. La loutre s'interroge :
Que je reste sur place ou que je m'enfuis, le résultat sera le même : je me ferai prendre et dévorer. Alors que faire ? Hé bien, je prends l'initiative de chasser le gredin ! »
La loutre, d'une voix ferme, s'écrie :
Ah ! Te voilà ! Tigre !
Le tigre, occupé à attraper des écrevisses, se dit :
Quel est celui-là qui ose prononcer mon nom ? Je finis avec cette bestiole et je vais attraper aussitôt cet arrogant afin de me rassasier pour de bon.
La loutre prend peur voyant qu'elle n'a pu effrayer le félin, mais elle tente une dernière initiative en criant à pleine voix :
Tigre, écoute ! Je suis le dieu du mont Paektu. Sur l'ordre du dieu du ciel, je suis venue manger tous les tigres de la région. Ravie de t'avoir rencontré ! Allez vite ! Offre-moi ta vie !
A ce cri, le tigre réfléchit :
Tout le monde me considère comme le roi de la montagne, et me craint. Vu que ce type m'interpelle, peut-être qu'il est plus fort que moi. Si je fais une erreur, je serai mangé par lui, au lieu de le manger moi-même. Il vaut mieux vite s'enfuir.
Le tigre prend la fuite à toutes jambes. Quand il se croit enfin en sécurité, il rencontre un lièvre à qui il raconte sa mésaventure. Le lièvre rit à gorge déployée et dit :
Vous avez été dupé ! Ce n'est pas le dieu du mont Paektu, mais un rien du tout, une misérable loutre. Vous pouvez la dévorer sans crainte. Allez-y de bon cœur !
Mais le tigre reste méfiant et préfère continuer à s'éloigner. Le lièvre lui dit alors :
Si vous ne me croyez pas, allons-y ensemble, et nouons nos queues.
La loutre les voit venir de loin :
A peine ai-je fait fuir le tigre, grâce à ma ruse, que ce lièvre désinvolte le ramène ! Mais il ne perde rien pour attendre.
Elle reprend sa voix la plus forte :
Oh lièvre, toi, tu es merveilleux ! Quand ton grand-père avait été envoyé comme ambassadeur, il ne m'avait rapporté en cadeau que trente-deux peaux de tigre, au lieu de trente-trois. Il en manquait une. Et comme tu es honnête, tu viens compléter le tableau avec un tigre vivant. Viens me l'offrir, j'ai si faim !
Le tigre met alors en doute les paroles du lièvre :
Tu m'as trompé, afin de recevoir une récompense en m'offrant à cette loutre !
Et il se lance dans une course éperdue. Le lièvre, attaché par la queue, est obligé de suivre, et il se heurte aux rochers, finit par se fendre de trois côtés la gueule. Puis il se blesse aux branches et troncs d'arbre. A cause de cela, son anus est percé de trois trous, sa queue est coupée très court. Et c'est ainsi qu'il nous apparaît aujourd'hui.
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