Ernest Coeurderoy
Ernest Cœurderoy (né à Avallon en 1825) fut l’un des précurseurs de l’anarchisme. Ayant fait sien le parti des révolutionnaires vaincus, il dut fuir son pays, exil douloureux qui le contraint à vivre en proscrit. L’histoire est écrite par les vainqueurs et l’on eut tôt fait de l’oublier. Son œuvre n’en est pas moins celle d’un vibrant héritier des Lumières préoccupé de la question sociale, celle d’un républicain intransigeant et d’un sombre visionnaire.
Dans son ouvrage Hurrah ! Ou la révolution par les cosaques, paru en 1854, il écrit d'une manière poétique et excessive avec des accents millénaristes, et envisage aussi l’avènement d’une société nouvelle grâce au déferlement des barbares, des slaves et des cosaques contre la civilisation.
Cette œuvre peut s'inscrire dans le courant de « l'anarchisme romantique », alliant un certain vitalisme, où sont louées les forces de la vie et celles de la destruction, à une sorte de millénarisme à la fois apocalyptique et rédempteur.
Dans son ouvrage, Ernest Cœurderoy écrit ceci au sujet de l'arrivée des Slaves :
« Quand viendront les Cosaques, les beaux Slaves exempts de préjugés, ils liront mes livres et les feront lire à leurs enfants, et diront : Cet homme voyait clair ! Et l’Invasion détruira par le fer de sa lance les barrières intellectuelles qui séparaient les nations ; dans ses bras géants elle prendra tous les hommes et les poussera les uns contre les autres. Et l’Idée frémissante, indomptée, suivra les peuples en marche, les peuples libres d’épouvantements ! Pazienza ! La dernière heure des nuits est toujours la plus noire. Le bruit de la tempête est loin derrière moi. Le Printemps nous apporte dans les plis de sa robe la fraîcheur et le murmure des ruisseaux argentés. À l’Orient s’élève la fanfare des trompettes ; le canon gronde dans les monts sourcilleux ; le coursier d’Ukraine a bondi sous son cavalier qui chante : Salut au jour naissant !! »
Il y a une apologie de cette violence destructrice venant de l’Orient. Selon Cœurderoy, la destruction reste cependant un préalable à la reconstruction d’un nouveau monde acquis aux principes d’un humanisme libertaire :
« Il n’y aura place au soleil pour tous les peuples et pour tous les individus que lorsque les gouvernements et les circonscriptions territoriales auront disparu. Dans les âges futurs, il n’y aura plus qu’une seule nation, l’HUMANITÉ, et qu’un seul citoyen, l’HOMME, libre de s’associer avec tel ou tel groupe de ses semblables, sans y être contraint par la naissance, le hasard des batailles ou le bon plaisir de ceux qui commandent »
Il avait aussi beaucoup d'humour :
« Aimez-vous le socialisme départemental ? On en a mis partout. — Au fait, un petit grain de socialisme départemental, ça ne peut pas nuire ; si ça ne fait pas de bien, ça ne saurait faire de mal, — absolument comme le garde national de Louis-Philippe. — Quel est l’homme, un peu préoccupé de l’avenir de son pays, qui n’ait pas rêvé du socialisme départemental ? Le besoin s’en faisait généralement sentir ; il était dans les plus profondes aspirations des penseurs. Vous nous demanderez sans doute ce qu’est le socialisme départemental ? Quelle est sa formule ? sa raison d’être ? ses moyens ? son but ? Dame ! ce ne sont pas là nos affaires ; passez au bureau de l’éditeur responsable. Pour nous, chercheurs de vérité, le nom de socialisme départemental suffit à notre bonheur. Il est inconnu, c’est vrai ; ce n’est qu’un fœtus, nous sommes forcés de l’avouer ; il n’a encore ni forme, ni couleur, ni propriétés physiques ; il est même insipide, nous en convenons ; peut-être ne vivra-t-il pas ? Qui sait ! Mais enfin, il existe, et nous sommes convaincus qu’à partir de ce jour il ne se fabriquera pas de manifeste montagnard ou socialiste qui n’ait sa petite nuance de socialisme départemental."
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