Conversations avec un directeur de Centre Culturel Français à l'étranger
Un lundi matin, j'ai la visite du chef de la police de la ville. Très aimablement, il s'installe dans le fauteuil face à moi. Très aimablement je l'invite à me dire ce qui l'amène en ces lieux. Je pensais subitement à un accident ou à une affaire de vol. Il entama la conversation en roumain.
Monsieur le Directeur, vous me connaissez, n'est-ce pas ?
Oui, bien sûr.
Je suis un homme sérieux et je fais attention que vous n'ayez aucun désagrément. Il y a toujours un policier choisi par moi qui veille à ce que tout se passe bien dans votre secteur.
Je vous en remercie.
C'est normal. Vous, vous êtes dans la culture, vous ne pouvez pas faire attention à tout. Vous savez, il y a des bandits partout. Quelque fois, il n'y a pas de vol, mais des dégradations. Et là, ce serait dommage, parce que votre bâtiment est très joli, plus beau même que le Centre Culturel Allemand, qui est quand même joli aussi.
Oui, mais nous ne sommes pas en concurrence.
Enfin, si une fois, on vous vole un ordinateur ou un livre, faudra nous le signaler, n'est-ce pas ?
Évidemment. Pour le moment, nous n'avons pas de tels méfaits à déplorer.
Bon, alors maintenant, je voulais vous demander quelque chose.
Je vous en prie. Si je peux vous être utile...
Oui, vous pouvez être utile. Pour ça, il faudrait que vous me trouviez un travail en France.
Un travail de policier ?
Non, ça je sais bien que ce n'est pas possible. Mais n'importe quoi : serveur dans un restaurant, vendeur dans un magasin, un travail dans une usine, enfin n'importe quoi.
Mais enfin, vous avez un poste important en tant que chef de la police locale, et vous voulez faire garçon de café ?
Oui, mais ici, on gagne rien. C'est une misère, Monsieur le Directeur, j'ai trois enfants, vous comprenez. Je sais qu'en France n'importe quel travail est mieux payé, trois fois mieux payé.
Je pense que vous vous illusionnez. Il n'y a pas tant d'écart.
Mais si, il y a de l'écart. Moi, j'ai un passeport, j'ai des amis en France pour m'installer. Il me manque juste un petit travail pour débuter et un grand travail ensuite.
Mais il reste un problème. Vous parlez français ?
Non. Pour l'instant, non, mais je peux l'apprendre en une semaine, vous savez, je suis policier tout de même !
Le même jour, je reçois un coup de téléphone. Un Français, cette fois.
Bonjour cher collègue.
Bonjour.
Je dirige le Centre Culturel Français de Valence en Espagne.
Un bel endroit pour travailler.
Oui, oui. Sauf quand on a dans les pattes un type qui nous gâche un peu la vie.
Je connais ça.
Voilà la raison de mon appel. Vous avez eu l'an dernier comme secrétaire général un jeune compatriote qui est aujourd'hui chez moi, toujours comme secrétaire général. Vous voyez qui je veux dire ?
Oui.
Eh bien, je voulais savoir comment il se comportait chez vous. Parce qu'ici, non seulement il ne fait pas le travail, mais il se permet de ne pas venir pendant plusieurs jours.
Si c'est la personne à laquelle je pense, effectivement, elle n'était pas très sérieuse et j'ai eu les mêmes problèmes que vous, mais ici il ne s'est jamais absenté de la sorte.
Donc, on est bien d'accord. Comme il ne s'est pas présenté depuis la semaine dernière, je pourrais le congédier pour abandon de poste.
Effectivement, c'est dans votre droit.
Mais... Et c'est surtout pour cela que je vous appelle, je voulais savoir à quelle hauteur il est soutenu. J'ai l'impression qu'il connaît des gens...
Je ne sais pas du tout.
Parce que s'il est soutenu assez haut, c'est moi qui risque de...
La diplomatie culturelle est un métier à risques.
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