Kafū Nagai


Kafū Nagai (1879-1959), né Sōkichi Nagai, est un écrivain et nouvelliste japonais. Il est reconnu pour ses œuvres décrivant le Tōkyō du XXe siècle, et particulièrement le monde de la prostitution et des geishas.

À l'âge de dix-sept ans (1896), bien qu'échouant aux examens d'entrée à l'université, il est diplômé de son école. Cette même année, il commence l'étude des poèmes chinois et entame une longue série de visites dans le quartier chaud de Yoshiwara (à Tōkyō).

Plus tard, il rend visite à son père à Shanghai qui y est employé par la compagnie Nippon Yusen. Il rentre à l'automne et devient employé dans le département de langue chinoise d'une université de langues étrangères.

En 1898, Kafū commence à écrire de courtes nouvelles. Dans le même temps, il étudie avec Ryūrō Hirotsu. Deux ans plus tard, il publie quelques nouvelles après avoir quitté son poste à l'université. Il trouve par la suite un poste de journaliste et commence l'étude du français.

En 1902, il séjourne aux États-Unis et en France où il travaille pour le compte de l'ambassade du Japon et du muséum culturel de la préfecture de Kanagawa.

Cela lui permet de publier Amerika monogatari (« contes américains ») et Furansu monogatari (« contes français »).

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La décoration


Toutes les danseuses entouraient le vieil homme.

  • Grand-père, à la guerre, vous n'avez pas été décoré ?

  • Sûr que si que je l'ai été ! Qu'est-ce qu'il te prend de dire que je l'ai pas été ? Et c'est pas des histoires ! Je peux vous la montrer, ma décoration !

Cet accent de triomphe sûr de soi avait jailli du plus profond de lui-même.

  • Je vous l'apporterai, ma décoration ; je vous la ferai voir ; elle est chez mon patron.

  • Oui, montrez-nous là ! Dites, grand-père... Si vous passiez l'uniforme de l'opérette qu'on y épingle votre médaille ?

  • Hou ! là ! là ! En voilà une idée !

Sa bruyante hilarité surprenait un peu ; mais il se releva brusquement, empoigna la boîte des repas qu'il avait livrés et sortit sans plus de façons.

Comme prévu le petit vieux revint, cette fois sans les repas qu'il livrait tous les jours. A peine assis, il tira de sa salopette un objet enveloppé dans un vieux morceau d'étoffe sale : sa décoration !

Un essaim de filles dévorées de curiosité se forma autour de lui : il exhibait, en même temps que l'insigne d'ancien combattant, médaille et ruban de la huitième classe de l'ordre du Trésor sacré. Là-dessus une voix suggéra :

  • Je vais coudre la décoration sur un uniforme ; j'aimerais bien après qu'on fasse une photo de lui avec !

Le petit vieux se résigna à enlever sa salopette et à poser devant l'objectif dans son uniforme de pacotille, avec képi sur le crâne et même, à la ceinture, une baïonnette du magasin d'accessoires. Il faut croire que les délices d'une scène où l'ovationnaient avec une belle unanimité une vingtaine de danseuses l'avaient positivement transporté. Le visage ruisselant de grosses gouttes de sueur, lui qui jusque-là n'avait jamais adressé la parole se confondit en remerciement.

De retour chez moi, je voulus le soir même développer la pellicule. L'éclairage était bien meilleur que je ne l'avais supposé ; mais, soudain, à y regarder de plus près, je m'aperçus d'une chose : contrairement à la règle, la décoration avait été fixé sur le côté droit de la poitrine !

 

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