Narcisse 2025


 

D'abord il y eut la période gaulliste.

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter...

  • Une tasse de thé ? Volontiers, mais après la messe, si vous permettez.

Puis les années 68.

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter...

  • Faire une pipe ? Volontiers, mais après mon copain, si vous permettez.

Ensuite les féministes ont pris le pouvoir.

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter...

  • De vous passer le sel ? Et pourquoi ce serait toujours à la femme de passer le sel !

N'oublions pas le confinement COVID

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter...

  • Un rapport distanciel ? Volontiers, mais je mets mon masque par sécurité.

Voilà maintenant que nous sommes en plein Me too.

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter...

  • Rien, Monsieur ! Je n'ai pas votre consentement.

Qu'en sera-t-il du futur ?

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter...

  • Temps d'attente écoulé. Phrase trop longue. Devons vérifier que vous n'êtes pas un robot.

Avouez que de passer d'une période à une autre, ce n'est pas ce qui est le plus facile. Au fond, au cous de ce siècle, que voulait ce jeune homme ?

  • Mademoiselle, si vous vouliez bien accepter mon bras jusqu'au salon de thé, nous poursuivrons avec une promenade romantique au cours de laquelle vous me ferez un gâterie, ce qui ne gâtera rien. Puis nous déjeunerons sur l'herbe, au bord de l'eau, comme Manet et vous refuserez de me passer le sel pour réduire ma tension artérielle. A la fin de la partie de campagne, nous sortirons nos portables pour faire l'amour à distance en évitant ainsi les microbes (mais pas les moustiques). Je vous enverrai mon consentement par mail, mais trop tard, vous disparaîtrez des écrans et je me regarderai dans l'eau du lac comme Narcisse.

  • Monsieur, je ne vous cache pas que ce programme m’inquiète un peu. S'il suffit que je prenne votre bras pour que je disparaisse des écrans... De toute façon, vous allez un peu vite en besogne.

  • Pourquoi parlez-vous à voix basse ? Je vous entends à peine.

  • Mais enfin, nous sommes à l'église, cher ami, la messe n'est pas dite.

  • Il faudrait tout de même que le curé se presse un peu ; le salon de thé ferme à 13 heures.

  • Allons, nous avons le temps. Il ne reste plus que la communion.

  • Vous allez communier ?

  • Oui, bien sûr. Je vais vous faire une confidence : je vais communier sans culotte.

  • Grand Dieu ! Enfin, je veux dire : Diable !

  • Pour ne rien vous cacher, l'idée de communier sans culotte me fait mouiller ma culotte, alors je l'enlève.

  • Logique. Alors allez-y, c'est le moment.

Quelque temps plus tard, au salon de thé.

  • Madame, est-ce que vous avez du thé russe ?

  • Non, je n'ai plus du thé russe.

  • Ma pauvre ! Alors donnez-nous du thé au jasmin. C'est le breuvage préféré d'Yvonne de Gaulle ; je l'ai lu dans Point-de-vue-Images-du-monde. Cela vous convient ?

  • Tout à fait. Mais, vous savez, je ne crois pas une seconde que vous soyez sans culotte, en pleine trente glorieuses.

  • Homme de peu de foi. Vous croyez qu'on peut mentir en 1962 avant d'aller communier ? Faites tomber négligemment votre serviette et tâtez délicatement sous mon buisson ombragé le petit bouton rose.

  • Je vois le buisson et je touche le bouton...

  • C'est drôle, vous parlez bas comme à l'église.

Un peu plus tard, lors de la promenade.

  • Ah ! (en fait, je ne sais jamais s'il faut dire Ah ! ou Ha !) la campagne, c'est d'un romantique ! Comme j'aime les sentiers et les senteurs sauvages et, après ce thé, pouvoir pisser en me faisant caresser les fesses par les fougères ondulantes. Mais accompagnez-moi, sortez votre engin, ce n'est pas galant de laisser une jeune fille cul à l'air sans l'encourager de votre jet dru et abondant. Mêlons nos urines et marquons notre territoire, comme le font les sangliers. Mais qu'est-ce que ce bruit, cette chienlit ?

  • Vous entendez la révolte qui gronde dans la ville. Des étudiants poursuivis par des CRS...

  • Quel beau moment pour faire une fellation au son des grenades lacrymogènes ! Ne remballez rien.

  • Mais nous pleurons sous les gaz et nous ne voyons plus rien.

  • Je pleure et je pompe comme un shadok !

Quelques heures plus tard, au bord du lac.

  • Moi, je reste habillé. Mets-toi nue, mon amie. Il faut rendre hommage à Manet. Le déjeuner sur l'herbe, tout de même...

  • Tu as de la chance que je suis déjà à poil, sinon j'aurais refusé. La femme n'est ni une esclave ni une domestique. Donc, vieux phallocrate, ne compte pas sur moi pour te passer le sel pendant ce déjeuner sur l'herbe.

  • Mon médecin m'a prescrit un régime sans sel.

  • Tu as de la chance, parce que je ne te l'aurais jamais passé.

  • Et maintenant voilà le tocsin qui sonne !

  • Ce qui signifie que nous devons nous protéger du Covid. Vite ! Protégeons-nous ! Mets ton masque.

  • Mets le tien et embrasse-moi, maintenant que ta période féministe s'estompe un peu.

  • Mais il y a mieux à faire. Prenons nos ordinateurs et baisons en distanciel. Ça, c'est safe !

  • Quelle position ?

  • Mes fessent se tendent vers l'écran et s’entrouvrent de façon ravissante sans même l'aide de mon lubrique lubri-fion. Toi, prends la souris et promène-la sur tes zones intimes. C'est d'un excitant !

  • Si ça touche à l'intimité, il faut d'abord que je t'envoie mon consentement.

  • On ne peut pas le faire par oral ? On a déjà fait des tas de choses par oral.

  • Non, il faut que ce soit écrit. Je t'envoie un mail avec ma signature électronique certifiée. Tu dois faire la même chose. You too.

  • Attends un peu. Moi, je ne suis plus si sûre de consentir avec toi. Ça prend trop de temps. Et il y a un type à côté, qui m'a vue juste avec mon masque et sans rien d'autre, et il a consenti tout de suite, lui.

  • Mais toi, tu es consentante ?

  • A première vue, oui...

  • Mais alors, ce n'est plus du tout safe !

  • Si, le gars, c'est une intelligence artificielle. Il a scanné mon cul-air-code.

  • Un robot ?

  • En tout cas, il utilise tous les artifices de son intelligence. Il me transporte au septième distanciel !

  • Et moi, qu'est-ce que je deviens dans tout ça ?

  • Enfin, tu as déjà décrit la fin de notre histoire !

  • Mademoiselle ! Mademoiselle ! Ne partez pas si vite ! Où allez-vous ? Je ne vous vois plus !

La connexion était rompue. Le jeune homme contempla un moment l'écran vide. Il s'approcha du lac immobile de stupeur devant un tel dénouement. Lui revinrent à l'esprit ces quelques vers de Lamartine :

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,

Que les parfums légers de ton air embaumé,

Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,

Tout dise : Ils ont aimé !

Il se vit dans l'onde et crut que son ordinateur était rallumé. Il commença à correspondre avec le jeune homme qui miroitait à la surface de l'eau. Et il lui envoya ce message :

  • Monsieur, si vous vouliez bien accepter mon bras jusqu'au salon de thé, nous poursuivrons avec une promenade romantique au cours de laquelle vous me ferez un gâterie, ce qui ne gâtera rien...

Il se parlait à lui-même alors que le vent gémissait, le roseau soupirait, les parfums légers embaumaient. Il constata que la verge du jeune homme en face de lui pointait en sa direction, il s'approcha, perdit l'équilibre en voulant calmer par la douceur de ses lèvres la fièvre érective, et se retrouva dans le lac. Les nénuphars insensibles recouvrirent bientôt ce freluquet qui naviguait sur internet mais ne savait pas nager.

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