Conte du Japon
Jadis, quelque part, une rivière très rapide ; on n'a jamais pu lui jeter un pont par-dessus corps. Les gens des deux villages séparés par cette rivière délibèrent et décident de demander à un charpentier fameux de faire le pont. Il accepte. Il explore le fond : insondable. Le charpentier reste longtemps les yeux fixés sur le flux imposant. Soudain il voit une tête émerger et dire :
Charpentier, à quoi penses-tu ?
Le charpentier, pétrifié, ne trouve rien à répondre. La tête a deux cornes sur le front, la bouche fendue jusqu'aux oreilles. Une vraie tête de démon.
Tu veux construire un pont ici ?
C'est ça.
Chose difficile pour les humains, mais pas pour nous autres ! Allons, viens demain et tu verras.
Mais comment vous remercier ?
Donne-moi tes yeux.
Mes yeux, ces yeux ?
Oui, exactement, ces yeux.
Mais à quoi cela vous servira-t-il ?
Tes yeux, ou alors dis-moi comment je m'appelle.
D'accord.
Le lendemain, le charpentier s'éveille :
Si ce pont est construit, malheur ; s'il n'est pas construit, malheur aussi.
Il vit à la rivière, voit un magnifique pont flambant neuf, songe à ses yeux, contemple la rivière, apparaît la tête du démon.
Tu as vu le beau pont ?
Oui, compris. Attendez s'il vous plaît un jour.
Le démon replonge en riant. Le charpentier s'enfonce dans la montagne pour chercher une solution. Il se perd, entend des chants, s'approche. Ce sont des enfants cornus d'ogres qui chantent :
Ogre six, apporte vite les yeux du charpentier, nous raffolons de ces friandises.
Le charpentier, fou de joie, s'enfuit, rentre au village, va au pont, la tête du démon apparaît :
Alors donne tes yeux, à moins que tu saches mon nom.
Je vais te le dire.
Tu n'as le droit qu'à un seul essai.
D'accord, Ogre six.
Alors la tête disparaît dans un tourbillon.

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