Ishikawa Jun

Ishikawa Jun (1899-1987) est l'un des grands maîtres de la littérature japonaise du XXe siècle. D'abord connu pour les superbes nouvelles inscrites dans le Japon en ruine de l'immédiat après-guerre, il rédige aussi au cours de ses dernières années quelques longs romans plongeant le lecteur dans de tortueuses intrigues se déroulant dans un monde étrange, au réalisme traversé de fantastique. 

Ishikawa Jun était un écrivain lettré et d'une grande culture : connaisseur de la littérature chinoise et japonaise, il maîtrisait également la langue et la littérature françaises (il fut un temps professeur de français à l'université). Il traduisit des livres de Gide (L'Immoralisteles Caves du Vatican...), d'Anatole France, des pièces de théâtre de Molière (Tartuffe, le Misanthrope...).
Il obtint le prix Akutagawa en 1936 avec Fugen (
Le Boddhisattva de la Grande Pitié , ou Fugen).
Le Chant de Mars (1938) est censuré pour cause d'antimilitarisme. Après un premier roman (en 1940) critique du stalinisme, il écrit des biographies pendant la guerre ainsi que de la poésie et se remet à publier de la fiction une fois la guerre perdue.
Il meurt d'un cancer du poumon en 1987 alors qu'il travaillait à un roman.

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  • Regardez-moi ça comme il est dégueulasse, on peut même pas l'toucher ! Allez ouste, du vent ! Si tu rappliques encore, j'te fais ton compte ! Grouille-toi de ficher le camp !

    Le ton était aussi rogue et cinglant que s'il chassait un chien ; sous les injures qui tombaient comme des coups de cravache, surgit tout à coup de l'intérieur de la baraque, ou plutôt quasiment d'entre les jambes des gens, un gamin, tout bonnement... oui, on pouvait bien reconnaître un être humain, un être vivant, et si donc on voulait le définir par le sexe et l'âge, on pouvait certes dire que c'était un garçon, un gosse, mais cette créature était telle que personne n'aurait su trouver de mot réellement approprié pour la nommer.

Comme soudain animé d'un souffle de vie, les loques putrides et crottées jetées au bord du chemin s'étaient, semble-t-il, complètement redressées, une forme humaine avançant comme un automate, au gré du vent, seulement un regard ; des loques pendaient, noires de fange, se confondant avec la peau que, par surcroît, les immondices et la crasse grimaient d'écailles, une peau couverte des pieds à la tête d'horribles pustules, et le pus qui en avait coulé, séché par le soleil brûlant, exhalait une odeur pestilentielle qui empoignait la figure...

Etait-ce le Christ ? Rien ne l'attestait, mais qu'il fût Jésus, voilà sans doute une solide postulat. Les gens du marché étaient dans l'ensemble peu loquaces, mais le gamin, lui, n'avait pas même prononcé un mot ; l'acte est le verbe, c'est sans doute ainsi qu'il fallait l'interpréter. Chacun de ses actes avait d'ailleurs été l'expression d'un ordre, exactement comme s'il avait dit :

  • File-moi une sardine !

  • Fais-moi bouffer ta boulette de riz !

  • Femme, laisse-moi étreindre tes cuisses !

    Des ordres, donc ils devaient forcément véhiculer quelque signification théologique que le philistin n'était pas encore en mesure de saisir.


Jésus dans les décombres

 

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