Théâtre au Japon
Uchimura Naoya est le frère cadet du réalisateur Sugawara Takashi (菅原卓 ; 1903-1970). Il est diplômé de l’université Keio en 1932. Au cours de ses études, il s’est formé auprès de Kishida Kunio dans le domaine du théâtre et est devenu membre du magazine de théâtre « Gekisaku » (劇作). En 1935, il publie sa première œuvre « Shūsuirei » (秋水嶺) dans le magazine et la présente pour la première fois au théâtre « Tsukijiza » (築地座).
De plus, Uchimura a obtenu un emploi dans la compagnie d’électricité laissée par son père. Bien qu’il ne soit pas sûr de ses aptitudes en tant que dramaturge, à partir de 1927, il se consacre entièrement à l’écriture de pièces pour le théâtre et la télévision. Il a été président du Centre japonais de l’Institut international de théâtre (ITI) (国際演劇協会, Kokusai engeki kyōkai) et membre du Conseil central pour l’éducation (中央教育審議会, Chūō kyōiku shingikai) du ministère de la Culture.
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TAMAGOUSOUKOU – Vous affirmez qu'il vous suffit de dire : je suis Hatérouma, et on vous offrira un ou deux verres n'importe où. Voilà qui ne vaut rien. Vous vivez de la pitié d'autrui. Vous devenez un déchet
HATEROUMA – Je suis un déchet, moi ? Alors, toi, qu'est-ce que tu es ? Tu ne vis pas de fraude et de trafic, toi ?
TAMAGOUSOUKOU – Vous direz ce que vous voudrez. Il s'agit de survivre dans cette île ; il s'agit de survivre. Je ne serai jamais assez faible pour vivre de la charité d'autrui, comme vous faites, monsieur le directeur. Moi, je vis par mes propres moyens.
HATEROUMA – Ah oui !
TAMAGOUSOUKOU – J'ai pitié de vous ; et c'est pourquoi je vous propose de travailler avec moi. Je ne veux pas que vous viviez comme un mendiant. Vous étiez le directeur de notre école, tout de même.
HATEROUMA – Alors quoi ? Tu veux m'humilier parce que je suis devenu inutile ? Eh bien, je m'habituerai à ce qu'on m'humilie. Je préfère rompre tous les ponts avec toi. Je ne suis pas fait pour des trafics comme les tiens. Tu achètes des marchandises aux Américains et tu les exportes en fraude au Japon. C'est du marché noir, non ? Vraiment, je préfère ne plus avoir rien à faire avec toi.
TAMAGOUSOUKOU – Si vous parlez ainsi, monsieur le directeur, je suis d'accord que nous nous séparions. Mais ce sera tant pis pour vous. Vous ne pourrez même plus aller vous saouler.
TOSHIKO – Papa, Monsieur te parle si brutalement qu'il vaut mieux que tu te sépares de lui.
HATEROUMA – Si je me sépare de lui, comment ferai-je pour vivre ?
TOSHIKO – Je m'arrangerai pour que tu puisses vivre. Maintenant que maman est morte, je n'ai plus de médicament à payer.
HATEROUMA – Tu me donneras de l'argent pour vivre ?
TOSHIKO – Oui, ne t'inquiète pas. Si tu ne bois plus, tu n'auras pas besoin de tellement d'argent.
HATEROUMA – Tu m'interdis de boire ?
TOSHIKO – Si tu bois toujours autant, on n'en sortira pas. Alors, ne bois plus, papa, s'il te plaît. Vis petitement, et je travaillerai de toutes mes forces.
TAMAGOUSOUKOU – Tu travailleras ? En fait, tu prendras l'argent des Américains en faisant le trottoir, n'est-ce pas ? Ta mère est morte, parce qu'elle ne supportait plus la honte de savoir quel métier tu fais. Et toi aussi, tu vas en mourir.
HATEROUMA – Et pourquoi ?
TAMAGOUSOUKOU – Si c'était un calvaire pour votre femme, si cet argent que sa chère fille a gagné en faisant don de son corps est devenu un poison pour elle, vous ressentirez bientôt la même chose. Vous étiez directeur de l'école, et vous pouvez vivre tranquillement grâce à l'argent qu votre fille gagne par ce moyen-là ? C'est cela ce qu'on appelle avoir bonne conscience ?
HATEROUMA – Bon, bon, allons pour le marché noir... C'est pas ma fille qui pourra me faire la leçon. Je commence à en avoir assez, de toutes ces discussions, toute cette morale.
TOSHIKO – D'accord, papa, tu choisis le trafic, tant pis pour toi, tant pis pour nous. Mais je t'en prie, arrête de boire.
Okinawa (1953) de Naoya Uchimura
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