Juro Kara
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| le théâtre sous chapiteau de Juro Kara |
Homme de théâtre et écrivain, Juro Kara est mort le 4 mai 2024, à Tokyo, à l’âge de 84 ans. Le lendemain de sa mort, sa compagnie Karagumi (« la bande de Kara ») donnait la première d’une reprise de sa pièce La Sirène de boue. « J’ai joué pour lui », a déclaré sa fille, Minyon Otsuru, qui y tient le premier rôle.
Juro Kara (de son véritable nom Yoshihide Otsuru) fut l’un des pionniers du renouveau théâtral des années 1960, période d’ébullition sociale, politique et culturelle, la plus riche de l’après-guerre par sa créativité.
LA JEUNE FILLE – C'est quoi ton boulot, maintenant ?
L'HOMME – J'ai donné ma démission.
LA JEUNE FILLE – On t'a renvoyé, tu veux dire.
L'HOMME – Hein ?
LA JEUNE FILLE – On t'a fichu dehors.
L'HOMME – Non, pas vraiment. Je ne pouvais pas bosser dans cette boîte-là. Tu pourrais m'envoyer des sous de temps à autre ?
LA JEUNE FILLE – Je ne peux pas te donner de l'argent. Je laisse le soin aux hommes de gagner leur croûte.
L'HOMME – On est tous dans la mouise.
LA JEUNE FILLE – Débrouille-toi.
L'HOMME – Et toi, tu travailles dans quoi ?
LA JEUNE FILLE – Une verrerie.
L'HOMME – Pas mal. Et à la fin du mois tu palpes ?
LA JEUNE FILLE – Tu parles, des tombereaux pleins.
L'HOMME – Alors quand c'est que tu reviens ?
LA JEUNE FILLE – Revenir où ?
L'HOMME – Où ? Mais il faut tout de même que tu reviennes.
LA JEUNE FILLE – Les hommes dans ton genre, ils aiment qu'on revienne.
L'HOMME – Alors, vrai, tu penses ne plus revenir ?
LA JEUNE FILLE – Ah ça, c'est sûr. Ne plus jamais revenir. Surtout ne plus revenir.
L'HOMME – Mais qu'est-ce que tu as fait avec ta main ?
LA JEUNE FILLE – Bah !
L'HOMME – Tu n'as plus de doigts !
LA JEUNE FILLE – Ils se sont détachés.
L'HOMME – Comment ça ?
LA JEUNE FILLE – A l'usine.
L'HOMME – C'est si dangereux que ça, ton boulot ?
LA JEUNE FILLE – Ca arrive très souvent dans les verreries. Quand on coupe le verre, ça colle ensemble, le verre et les doigts. Je ne pouvais plus distinguer où commence le verre et où finit la main.
L'HOMME – Pauvre petite ! Et maintenant, tu n'as plus mal ?
LA JEUNE FILLE – T'en fais pas. J'aime mon métier.
La ville des jeunes filles

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