Minoru BETSUYAKU

BETSUYAKU Minoru est né en 1937 dans l’ancienne Mandchourie (nord-est actuelle de la Chine). Il est un dramaturge, romancier et essayiste. Il a fréquenté l’Université de Waseda où il a étudié les sciences politiques et économiques. Il quitte l’université avant l’obtention de son diplôme. Son œuvre est très influencée par le théâtre de Beckett. La critique commence à s’intéresser à son travail en 1962 avec sa pièce « L’éléphant ». Il meurt en 2020.


LA FILLE – Je suis venue ce soir pour vous dire que je suis votre fille.

LE MARI – Ce n'est pas possible. Ma fille est morte sous mes yeux, écrasée par un train. Elle avait sept ans.

LA FILLE – Non, je suis passée de l'autre côté du train.

LA FEMME – Et pourquoi... après tout ce temps...

LA FILLE – A la vérité, il m'était difficile de vous le dire. Au fait, mon frère attend dehors.

LA FEMME – Votre frère ?

LA FILLE – Oui.

LE MARI – Vous avez un frère ?

LA FILLE – Oui, et je lui ai promis de l'appeler quand je serai certaine d'avoir retrouvé nos vrais parents.

LA FEMME – Mais nous n'avions qu'une fille.

LE MARI – Une fille unique. Bien sûr, j'ai toujours voulu un garçon. Mais nous n'en avons pas eu.

LA FEMME – Votre propre frère ?

LA FILLE – Oh oui. Votre propre fils.

LA FEMME – Je comprends bien... Mais vraiment, nous n'avons pas eu de garçon.

LA FILLE – Il fait très froid dehors. Si cela ne vous dérange pas, je vous demanderai de l'inviter.

LE MARI – Mais attendez ! Vous...

La fille revient avec son « frère ». Ils l'invitent à prendre un thé et des gâteaux.

LE FRERE – A l'époque, ma mère souffrait d'asthme. Je m'en souviens très bien. Je vous frottais le dos. Je ne supportais pas de voir souffrir ma mère qui étouffait et avait le visage tout rouge.

LA FEMME – Ah, je ne m'en souviens pas.

LE MARI – Tu as eu de l'asthme ?

LA FEMME – Non.

LA FILLE – Je me souviens aussi comment vous tourmentiez mon frère. Il ne se plaignait pas ; c'est dans son caractère. Il recevait des coups de poing, des coups de pied. Mais il ne bronchait pas. Il se mettait en boule, par terre et restait immobile. Il ne pleurait pas.

LE MARI – Pas une seule fois je n'ai maltraité quelqu'un.

LA FILLE – Père, il ne vous en a pas gardé rancune. Je lui ai appris à ne pas vous en vouloir. Non pas à cause de vous, mais à cause de votre maladie.

LE MARI – Mais quelle maladie ? Et puis ça suffit, je n'ai pas eu de fils.

LA FILLE – Il a le corps couvert de meurtrissures. C'est horrible à voir. Mais il ne dit rien. Il supporterait tout sans rien dire. Fais voir tes marques à ton père et à ta mère.

LA FEMME – Arrêtez, je vous en prie. Arrêtez ! Ne faites pas cela. Je vous crois. Vous êtes sans doute mon fils.

LE MARI – J'ai toujours voulu un garçon. C'est pour ça que tu es né. C'est sûr. Comme on dit : ce que vous désirez vous sera donné.


La petite marchande d'allumettes

 

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