Motojirô Kajii

Kaji Motojiro naît à Osaka le 17 février 1901, troisième de six enfants. Sa famille appartint d'abord à la riche paysannerie puis au prospère commerce des sabres. Avant d'être ruinée par les bouleversements politiques et sociaux de la réforme de l'ère Meiji (1868).
Kajii fut peu connu pendant sa courte vie, mais ses œuvres furent louées par Kawabata et sont aujourd'hui très connues et appréciées des Japonais, particulièrement les nouvelles Le Citron, Sous les cerisiers, Jours d'hiver et Caresses
Il meurt le 24 mars 1932 de tuberculose pulmonaire. Il avait 31 ans.

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L'oreille du chat est vraiment une drôle de chose. Mince et froide, elle est couverte de poils ras au-dehors et luisante au-dedans, comme la peau d'une pousse de bambou. Elle est d'une matière indéfinissable, à la fois dure et tendre, tout à fait particulière. Depuis mon enfance, j'avais toujours eu une envie irrésistible d'y donner, clac, un coup de poinçonneuse à tickets. Imagination cruelle ?

Non. Elle était entièrement due à l'étrange pouvoir de suggestion que possède cette oreille. Je n'ai jamais pu oublier la scène où un monsieur très sérieux, en visite à la maison, n'arrêtait pas, tout en parlant, de pincer l'oreille du chaton grimpé sur ses genoux.

Une telle velléité est plus obsédante qu'on ne s'y attendrait. C'est pourquoi une idée aussi puérile que celle du coup de poinçonneuse à tickets, aussi longtemps qu'on ne passe pas résolument à l'acte, continue de vivre en nous, dans l'ennui de l'existence, bien au-delà de ce que nous paraissons. Un adulte, depuis longtemps déjà capable de discernement, se dit encore avec emportement :

• Et si j'y allais d'un bon coup de poinçon, en la prenant en sandwich entre deux morceaux de carton ?

Caresses (1930)