Un festival d'Avignon à huis clos
Cette année, malheureusement, nous ne
pourrons pas accueillir le public. Il serait irresponsable, en effet,
de remplir nos salles d'un virus aussi indésirable. Néanmoins, the
show must go one comme l'a si bien dit le président Donald
Trump. C'est pourquoi nous proposons une programmation réduite
certes, mais de qualité.
En ce qui concerne l'affichage, il peut
rester sauvage, mais il faudra regarder les affiches chacun son tour
en respectant la distanciation brechtienne. Les parades seront
visibles des balcons et donneront néanmoins un air de fête à la
vieille cité. Les spectacles de rue sont autorisés mais devront
avoir lieu dans des rues désertes. Nous n'oublierons pas le festival
off et, puisqu'il n'est plus possible de recevoir un public dans une
salle, nous avons récupéré les anciennes cabines téléphoniques.
Aussi, profitant de cet espace que nous leur concéderons à bas prix
(250 euros l'heure), les jeunes comédiens pourront s'exprimer sans
exposer le public qui ne sera composé que d'une seule personne munie
d'un permis de se déplacer pour 45 minutes.
La plupart des pièces seront jouées
par un comédien seul, mais cela était déjà la règle depuis
longtemps. On avait pressenti le pire, et on s'y était préparé.
Le festival d'Avignon, c'est tout de
même l'occasion de revoir nos grands classiques. Ainsi dans la cour
d'honneur du Palais des Papes, nous avons le plaisir de vous
présenter « En attendant Godot », avec toutefois cette
petite variante : Estragon attendra Godot bien sûr, mais
également Vladimir, Pozzo et Lucky qui ne viendront pas non plus,
pour des raisons bien compréhensibles de sécurité.
Fabrice Lucchini, qui s'est rasé le
crâne, interprétera à lui tout seul « La Cantatrice
chauve ». « Je pense que par la suite, on ne pourra
plus jamais jouer Ionesco que de cette façon. Je le sens, je le
ressens, je le pressens, je le présume, je le résume. »
(Libération du 31 mars)
Pour des raisons de coupes budgétaires,
on jouera non pas les Trois Soeurs, mais les Deux Orphelines, et
elles seront toujours séparées de deux mètres. En effet, leurs
jupons avec crinoline empêchent tout contact. Ce sera d'ailleurs la
première fois qu'on verra des orphelines en crinoline. A ne pas
manquer (Le Monde).
Il fallait un Shakespeare pour que
cette édition soit à la hauteur de nos ambitions. Ainsi nous
donnerons Roméo (interprété par Pierre Palmade) et Juliette
(sublime Anne Roumanoff!), mais uniquement la scène du balcon qui
permet aux acteurs de ne pas s'approcher. Pour respecter la durée
initiale de la pièce, cette fameuse scène sera revisitée à quinze
reprises avec des mises en scène toutes différentes d'Olivier Py.
Nous attendons également la nouvelle
pièce de Bernard-Henri Lévy dont nous ne savons rien, mais au titre
tellement évocateur et alléchant : « Le raffinement du
confinement m'émeut tellement ».
Mais Avignon, on le sait, c'est aussi
la danse. Et nous vous recommandons le superbe « Solo de
l'infirmière » sans masque, sans gants, sans aucun matériel,
accompagnée d'un violon Stradivirus. Télérama nous dit que c'est
d'un dévouement et d'un dénuement absolus.
Bien entendu, il n'y aura strictement
personne dans les salles durant ce festival, mais ARTE retransmettra
en direct décalé les représentations et a demandé à TF1 de
fournir les rires et les applaudissements enregistrés.
Muy bueno!
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