Surréalisme en Egypte

 


Avec « Art et liberté. Rupture, guerre et surréalisme en Egypte (1938-1948) », sont révélés des créateurs ignorés du XXe siècle, qui ont affirmé leur cosmopolitisme à l'encontre des nationalismes européens et égyptiens. L’exposition, qui tourne en Europe, est au Centre Pompidou.

Le Caire, Alexandrie… Dans les années 30, les grandes villes d’Egypte accueillent une population cosmopolite où, loin du nationalisme qui ne va pas tarder à s’imposer en opposition à la colonisation, se brassent les idées et les positions politiques et esthétiques sur un monde en plein bouleversement. Le surréalisme, dans sa version des années 30, se taille une place dans les cercles d’intellectuels et d’artistes et c’est sous sa tutelle qu’un mouvement antifasciste va se créer en 1938.

S’opposant à l’idéologie nazie, dont les dirigeants au pouvoir en Allemagne ont organisé l’exposition Entartete Kunst (Art dégénéré) à Münich en 1937, deux dizaines de personnes signent un manifeste « Vive l’art dégénéré » rédigé par l'écrivain Georges Henein le 22 décembre 1938 dans la capitale égyptienne. Condamnant le racisme, le manifeste s’insurge : « Tout ce que le génie artistique contemporain a donné de meilleur, tout ce que l’artiste moderne a créé de plus libre et de plus humainement valable est insulté, piétiné, proscrit ».



Humanisme et création. Dans la foulée est lancé le groupe Art et liberté qui affirme ainsi, dans son ADN, le lien entre le refus des nationalismes et une internationalisation des réflexions esthétiques. Ce lien est concrètement mis en œuvre dans la production artistique, ce que l’exposition de Beaubourg montre amplement. Les deux frères El-Telmisani, Rateb Seddik, Mayo, Ramsès Younane, Amy Nimir, Salim Al-Habschi, Hussein Youssef Amin, Mahmoud Said ou la féministe Inji Efflatoun explorent tous les chemins de la contemporanéité, de l’expressionnisme à l’abstraction. Une révélation que l’on doit à deux commissaires indépendants, Sam Bardaouil et Till Fellrath, qui ont monté l’exposition accrochée dans quatre villes d’Europe, Paris, Madrid, Düsseldorf et Liverpool.

Leur travail offre un bel exemple de ce que le cosmopolitisme apporte d’ouverture à la création. À la fin de la guerre, le nazisme et le fascisme seront vaincus et, paradoxalement, Art et liberté aussi, qui ne correspond pas aux critères des mouvements politiques ascendants. Une phrase de Georges Henein reproduite dans l'exposition, autour de peintres se voulant plus authentiquement égyptienne, est des plus explicites : « J'ai eu tout récemment des démêlés avec les peintres qui prétendent représenter la suite de Art et liberté : Kamal Youssef, Hassan, Gazzar, Nada, Massouda, etc. J'ai constaté avec surprise que ces médiocres parlaient de "la personnalité nationale de l'artiste". Vraiment il n'y a pas de quoi se réjouir (…) un fascisme moralement crépu et casqué d'une ignorance incorrigible ». À cette époque des membres d'Art et liberté sont arrêtés ou doivent s’exiler. Mais leurs œuvres restent et resteront longtemps.

 



Le texte est illustré par trois toiles de Hassan El-Telmisani

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