Bob Marley et le Négus


 

Quelques mois seulement après la création de l'Organisation de l'Union Africaine, à Addis-Abeba, l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié prononce une allocution en amharique devant l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, à New York, le 4 octobre 1963.

Treize ans plus tard le Jamaïcain Bob Marley met en musique une partie du discours. Le panafricanisme semble ici le maître mot. En effet, l'empereur éthiopien, lorsqu'il évoque l'Afrique parle du continent comme si il s'agissait d'une entité soudée et unie. Il entend encourager et créer un sentiment de solidarité chez les populations du monde africain (y compris les Afro-Américains). Il rencontre évidemment un grand succès auprès des rastas jamaïcains.

Ces derniers vénèrent Jah, leur Dieu. Pour eux, Hailé Sélassié est un Dieu vivant, le messie, descendant direct du roi Salomon. D'ailleurs, lors d'un voyage en Jamaïque en 1966, le Ras Tafari est impressionné par la masse de rastas prosternés devant lui lors de sa descente d'avion. Gênés par la vénération qu'on lui porte, il n'acceptera d'ailleurs jamais complètement d'être ce Dieu vivant. Cela dit, il donnera tout de même un bout de territoire éthiopien aux rastas qui voudraient se rendre en Ethiopie. A sa mort, en 1975, Marley rendra un ultime hommage au négus en composant son morceau Jah live.

  La chanson war fournit un instantané de la situation du continent africain en 1963. A cette date, le Maghreb, la plupart des pays d'Afrique noire, francophone, anglophone et belge, sont indépendants. L'Afrique australe, en revanche, reste soumise et ferme donc la marche du processus de décolonisation. De fait, les colonies portugaises restent solidement tenues par la dictature de Salazar ("Et en attendant que les régimes ignobles et malheureux Qui tiennent nos frères, en Angola, au Mozambique"), tandis que le régime d'apartheid sévit toujours avec virulence en Afrique du sud et en Rodhésie ["Et en attendant que les régimes ignobles et malheureux Qui tiennent nos frères (...) en Afrique du Sud, dans un esclavage moins qu'humain aient été renversés ... "]. Au nom du panafricanisme et de la solidarité entre Etats du Tiers-Monde, Selassie appelle à la lutte contre la colonisation et les régimes racistes. Il prône des valeurs nobles: la non-violence, la tolérance... Les mauvaises langues auront beau jeu de souligner le décalage entre ce catalogue de bonnes intentions et l'autoritarisme dont il continue à faire preuve dans son pays.



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