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Jules Verne for ever Il faut lire et relire le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne. On pense souvent qu'il s'agit là d'une lecture pour enfants. On reste persuadé que ce sont des romans d'aventures. On se dit aussi que c'est un auteur didactique, maître en sciences de l'époque et en géographie d'antan. Oui, oui, tout cela est vrai, mais l'inverse est vrai aussi. Ce qui frappe le lecteur d'aujourd'hui, c'est d'abord l'humour. En voici justement quelques traits dans ce Tour du monde : On disait qu'il ressemblait à Byron -par la tête, car il était irréprochable quant aux pieds- Il n'appartenait à aucune des nombreuses sociétés qui pullulent dans la capitale de l'Angleterre, depuis la Société de l'Armonica jusqu'à la Société entomologique , fondée principalement dans le but de détruire les insectes nuisibles. Phileas Fogg avait donné son congé à James Forster, -ce garçon s'étant rendu coupabl...
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Frère d'âme de David Diop Il s'agit d'un des quatre auteurs qui prétendent au prix Goncourt qui sera décerné mercredi. David Diop a grandi au Sénégal et il est actuellement maître de conférence à l'université de Pau. Il était donc tout naturel qu'il raconte cette histoire de tirailleurs sénégalais, ces « Chocolats d'Afrique Noire », lors de la première guerre mondiale. Et c'est très intéressant cette vision africaine du carnage européen. Tout est vu et perçu par les yeux d'Alfa Ndiaye. Son ami d'enfance, Mademba Diop, s'est engagé comme lui pour « sauver la mère-patrie, la France », mais il est vite blessé à mort, éventré par une baïonnette allemande, « les tripes à l'air, comme un mouton dépecé par le boucher rituel après son sacrifice .... » Alors Alfa réfléchit au sens de cette guerre et se dit même que c'est la première fois qu'il réfléchit. Jusqu'ici, il a l'impression qu'on a pensé pour lui. ...
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Sorcier de Jim Harrison On entre dans ce roman comme par effraction. Ou plutôt on voit une porte entrouverte derrière laquelle il se passe des choses suspectes, surprenantes, intrigantes. On ne peut s'empêcher de pousser la porte pour y comprendre quelque chose. Johnny, qui se fait appeler Sorcier, commence par mourir au premier chapitre. Une vraie mort, mais heureusement il se dédouble. Ainsi finalement ce n'est que son double qui est mort. Ensuite, il visite régulièrement ses rêves, ses fantasmes, ses visions. Diana est la femme patiente et courageuse, qui travaille pour deux. Mais si nous entrons chez ce ménage cocasse, on constate qu'ils font l'amour, qu'ils baisent bien. Et quand ils ont fini, ils mangent. La nourriture et le sexe, un point c'est tout pour le moment. Il tira lentement sur le jean de Diana, la retourna, l'inclina sur une ottomane de cuir et se mit à sabrer comme un fou. Puis il l'allongea sur le dos et lui...
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Les temps sont durs Le quartier semblait désert. Je m'aventurai dans ces petites ruelles. Apparemment, je n'étais ni suivi, ni observé. La boutique était toujours fermée, mais en frappant un certain nombre de coups (sept pour les initiés), elle pouvait s'ouvrir. Le vieux avait reconnu mes pas sur le pavé et il m'accueillit avant même que je ne toque à la porte. Il vérifia tout de même que personne ne m'avait vu entrer. Les temps sont durs, jeune homme, vous savez. C'est gentil de m'appeler jeune homme, mais... Je m'adresse toujours ainsi à ma clientèle masculine. Sinon, je dis : Mademoiselle. Que voulez-vous, un commerçant reste un commerçant et tout son art commence par la flatterie du client. Est-ce qu'on peut parler ? demandais-je à voix basse. Venez par ici. Il m'introduisit alors dans une pièce plus petite qui lui servait aussi de cuisine et de chambre à coucher. Il mit en marche un petit appareil et l...
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Croire ou conduire...             C'était à Iasi il y a quelques jours. J'étais dans un taxi qui devait me conduire au Théâtre National. Le chauffeur parlait au téléphone en tenant son portable de la main gauche. Il semblait avoir une certaine habitude de cette pratique et il conduisait presque aussi bien que lorsqu'il ne téléphonait pas. Seulement en passant devant ce qu'on appelle en français la cathédrale métropolitaine, il fit un signe de croix comme il en a l'habitude. Ainsi le portable dans une main, le signe de croix dans l'autre, il quittait le volant des deux mains et il fit une embardée en voulant éviter une voiture en sens inverse. Et le chapelet qu'il avait accroché à son rétroviseur s'est fracassé sur le pare-brise.           Alors le problème qui se pose est le suivant. En cas d'accident, aurait-il été condamné pour le portable ou pour le signe de croix ? B...
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Il y a toujours un enfant Dans la nuit d'un bombardement, il y a toujours un enfant tout déchiré aux genoux les cheveux blancs de plâtre Sous l’œil fixe de la famine il y a toujours un enfant le ventre rond comme un ballon les jambes fines comme des ficelles En plein naufrage et chavirage il y a toujours un enfant orange dans son gilet de sauvetage tremblant de soif dans l'eau de mer Après secousses et tsunamis il y a toujours un enfant nu un gros sac sur la tête et un plus petit dans les bras Dans le désordre des villes il y a toujours un enfant en loques tendant la main au nom de tous les dieux Où l'usine vomit ses fumées il y a toujours un enfant au travail et interdit d'école esclave sérieux comme un pape Et puisqu'il faut prendre du plaisir il y a toujours un enfant en bas résille qui joue au gendarme et au violeur Pourtant dans mes souvenirs ...
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Pas de nouvelles, mauvaises nouvelles Chaque fois qu'il partait pour s'installer dans un coin tranquille pour écrire, ses proches lui disaient toujours : « Donne-nous de tes nouvelles ». Et lui, il écrivait une nouvelle, inspiré qu'il était par le cadre rupestre ou agraire qui l'environnait. Souvent cela avait la forme d'un conte philosophique et poétique à la fois. Il se mettait au travail dès l'aube et son imagination faisait le reste. Il était question d'un hibou métaphorique qui entrait en transes et nous faisait assister à un sabbat dans la plus grande tradition occulte. Ou alors, il se mettait lui-même en scène dans une jolie histoire de pasteur d'ours attaqués par une bande d'agnelles affamées. Oui, il y avait toujours ce brin de folie qui faisait qu'on ne devait logiquement quitter la lecture sans en connaître le dénouement. Mais il était si perfectionniste qu'il lui fallait une semaine de travail pour une nouvelle de quelq...