Caracasseries

Luciana Reif Luciana Reif est née à Buenos Aires, en 1990. Elle a étudié la Sociologie à l'Université de Buenos Aires. Elle a publié deux recueils de poèmes Entrada en calor (2016) et Un hogar fuera de mí (2018). La récolte de la canne à sucre La vie durant la récolte est une douce et triste déformation du monde. Tout commence dans les plantations où des hommes qui viennent de loin dénudent le champ d'un geste lent et précis les doigts usés et râpés par le temps passé là-bas ; ils savent mieux que personne comme traiter la canne, habiles qu'ils sont à en tirer tous les secrets, et pourtant ils sont épuisés après la récolte ; la chaleur de Tucuman se transforme en gouttes de sueur tombant sur les mains fanées et douloureuses du péon qui sait bien que ce fruit vital pour lequel il a laissé toutes ses forces, deviendra le sucre qui fondra dans une autre bouche que la sienne. Péon-hirondelle, tu connais mieux que quiconque la saveur...

Osvaldo Dragún Osvaldo Dragún, né le 7 mai 1929 à Colonia Berro en Argentine et mort le 14 juin 1999 à Buenos Aires en Argentine, est un dramaturge, metteur en scène argentin.  « Histoire de notre ami Panchito Gonzalez qui s'est senti responsable de la peste bubonique en Afrique du Sud » (1962) On a proposé à Pancho 5000 pesos pour envoyer de la viande en Afrique du Sud ; il n'a pu trouvé que de la viande de rat, et il a des scrupules PANCHITO – Je sais bien, mais il est question de 5000 pesos tout de même. Si je ne m'étais pas marié, je serais ingénieur, mais comme je me suis marié, je ne suis pas ingénieur et je dois me débrouiller. Tant d'histoire pour des nègres africains... Mais c'est vrai que j'ai des remords. Il faut que je me renseigne. Docteur, pensez-vous que la viande de rat puisse faire du mal à un nègre ? DOCTEUR – Dans l'absolu, la viande de rat est l'aliment du chat. Le chat vit dans la maison de l'homme. L'homme s...

Le monde selon les créationnistes La Terre a six mille ans et pas un de plus, expliqua le patriarche pendant que l'assemblée studieuse prenait des notes. Alors il ne faut pas nous raconter que la planète existe depuis des millions d'années. Il y a de nombreux mensonges divulgués par la science. D'abord la théorie du big bang, car si l'univers a pu être créé par une explosion incroyable, eh bien, il n'y a que Dieu qui pouvait la produire cette explosion incroyable. Si c'était juste une explosion croyable, je veux bien que ça puisse venir de la croûte terrestre, comme l'éruption d'un volcan par exemple. Mais un big bang, une explosion à tout casser, on ne peut y voir que le doigt de Dieu évidemment. Considérer la théorie du big bang comme fiable et indiscutable revient à croire qu'en aspergeant une toile de peinture, vous finirez par obtenir La Joconde. Il y a forcément un grand architecte derrière l'être humain. Un autre mensonge caract...

Aldo Pellegrini Aldo Pellegrini (1903-1973) est au centre du Mouvement surréaliste en Argentine. Il fonde le premier groupe en 1928, crée la revue « Que » (deux numéros), mais ne publiera ses livres que tardivement (« Le mur secret » en 1949 et « Construction de la destruction » en 1957. En 1952, il regroupe autour de la revue « A partir de zéro » ceux qu'on nomme les « néosurréalistes ». Dans cette revue, en 1956, il publie un article intitulé « Essai de rectification du langage » dont voici quelques définitions : ART – Substance grasse obtenue par le mélange de la paraffine et de l'huile dense du pétrole. Est utilisé en pharmacie et en parfumerie. POETE – Instrument optique muni de tubes de verre pour voir au lointain. Monstre marin dont on parle dans le livre de Job et que les Pères de l'Eglise avec leur sens moral considèrent comme l'ennemi des âmes. Se dit de certains ongulés qui ont une trompe ...

Le petit coq déplumé conte traditionnel Le petit coq déplumé Un petit coq tout déplumé allait à la fête de Saint Ignace. Sur le chemin, il rencontra un renard qui lui demanda : Où vas-tu, coq déplumé ? A la fête de Saint-Ignace. Tu veux bien m'emmener ? D'accord. Mais comment vas-tu faire ? Entre dans mon derrière et barricade-toi avec un bâton. Ainsi fit le renard et le petit coq reprit son chemin. Sur la route, il rencontra un tigre, qui lui dit : Où vas-tu, coq déplumé ? A la fête de Saint-Ignace. Tu veux bien m'emmener ? D'accord. Mais comment vas-tu faire ? Entre dans mon derrière et barricade-toi avec un bâton. Le coq continua son chemin et arrivé à un fleuve en crue. Il mit les pattes dans l'eau, mais le courant l'emportait. Alors le petit coq dit ! Ne m'emporte pas, fleuve ! Ne m'emporte pas ! Mais comme l'eau montait encore, il ouvrit ...

Antonio Alice Antonio Alice (23 février 1886 – 24 août 1943) était un portraitiste argentin. Il a reçu le Prix de Rome en 1904. Premières années Alice, d’origine italienne, est née à Buenos Aires, en Argentine. Son père, un immigrant italien, savait à peine lire et écrire. Ses deux soeurs, Matilde et Santina, ont posé pour plusieurs de ses tableaux. Expulsé de l’école et considéré comme incorrigible pour le dessin dans ses manuels, Alice alla travailler comme un cireur de chaussures. À 11 ans, alors qu’il dessinait des portraits de Gaucho entre deux chaussures, il fut découvert par Cupertino del Campo, qui devint ensuite directeur du Musée national des beaux-arts de Buenos Aires. Del Campo a référé Alice au peintre Decoroso Bonifanti qui avait donné au garçon sa première leçon de peinture en 1897. En 1904, il reçoit le Prix de Rome et entre à l’Académie royale de peinture de Turin où il étudie avec Giacomo Grosso, Francisco Gilardi et Andrea Tavernier. Au cours de ses quat...

Adan Buenosayres de Leopoldo Marechal Il est rare que, parmi les écrivains argentins, quelqu'un se soit montré si vaillamment loyal au monde environnant, aux choses qui sont là tandis que j'écris ces mots, aux idées et aux sentiments qui se heurtent à moi, qui me constituent, qui sont ce que je suis dans la rue, dans mon entourage, dans le tramway, dans mon lit. Marechal entre résolument dans une voie maintenant inévitable si l'on veut écrire des romans argentins. Julio Cortazar Juancho et Yuyo, après une longue suite de brigandages, s'en étaient lassés et, renonçant à l'action, causaient gentiment de divers sujets sacrés et profanes. Et comme une idée en entraîne une autre, voilà que Juancho se met à faire l'éloge de l'équipe du Racing et de sa fameuse ligne d'attaquants ; Yuyito, le front ombrageux, exalta le onze de San Lorenzo de Almagro et, en cet hommage, brûla ses meilleurs encens. Ils ont des mots : laissant là l'éloge de se...