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Conte d'Orient

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  Les aventures d'Aldar le farceur Aldar trouva un énorme tambour dans un superbe jardin. Et il ne résista pas à la tentation : il frappa des deux poings sur le tambour, faisant un grand bruit qui remplit le jardin et la vallée toute entière, parvint au lac et traversa la steppe. Et avant qu'Aldar n'eût eu le temps de décider ce qu'il lui restait à faire, une escouade de gardes du Khan fondit sur lui au galop, se saisit de lui et l'emmena tout droit au palais. Le farceur, qui à présent n'avait plus du tout envie de plaisanter, fut traîné devant le souverain qui s'adressa à lui en ces termes : Celui qui ose frapper mon gros tambour doit être capable de me dire un mensonge aussi gros. Si tu me dis un mensonge trop gros pour que je puisse le réfuter, je te donnerai tout l'or que tu es capable de porter. Mais attention ! Si tu échoues, c'est ta vie que tu perdras. Parle, j'attends ta réponse ! Le Khan souriait d'un sourire cruel q...

R.L. Stevenson et le proverbe

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  Il y a quelques temps j'avais parlé d'un proverbe, que je viens de trouver excellemment illustré par R.L.Stevenson. Les salutations entraînent la conversation et la conversation entraîne les pastèques. Le bavardage ne produit que disette. Ce proverbe est très entendu au Koweït. Il a pour origine le conte suivant : Un marchand de pastèques chargeait ses fruits pour aller les vendre en ville. Un bédouin, passant par là, lui souhaita bon courage et le marchand de lui répondre : « A toi, que le courage te manque. » Le bédouin s'en alla fâché. Le fils du marchand qui assistait à la scène, demanda à son père pourquoi il avait été grossier avec le passant et le père de répondre : « Si je lui avais rendu son salut, il m'aurait demandé des nouvelles de mes pastèques, ensuite il m'aurait demandé d'en goûter une, et enfin de lui en donner quelques-unes et nous serions perdants. En ne liant pas conversation, nous avons sauvé notre temps et notre argen...

Albert Cossery

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  Sur le long chemin rocailleux qui passe au pied de la Citadelle, Si Khalil, monté sur sa bicyclette, pédale avec solennité, en homme conscient et responsable. De toute sa personne émane un air de supériorité comique, qu'accentuent encore les cahots de la route. Ses yeux brillent d'un désir de domination et de gloire. Pourtant, un détail néfaste gêne cette harmonie dominatrice et développe chez Si Khalil de noires idées de défaite. Il sent le froid pénétrer sa tête nue et cette impression le tourmente. Sa respectabilité se trouve, par cette négligence vestimentaire, particulièrement en défaut. Un propriétaire honorable, qui se balade tête nue, risque, il n'y a pas de doute, de se discréditer aux yeux du monde. Où est la différence entre lui et le premier gamin venu ? Ainsi, le geste de ses locataires mécontents aura conduit Si Khalil à ce suicide moral, pire que la mort. A ce souvenir, Si Khalil bouillonne d'une rage froide. Il est trop astucieux pour se permettre un e...

Le proverbe du samedi

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  Tout comme les fainéants du sultan, il faut les battre pour les faire aller du soleil à l'ombre. Un gouverneur créa un hospice pour les vieux et les infirmes. Un jour qu'il allait l'inspecter, il trouva à la place des nécessiteux, tous les fainéants de la ville qui vivaient au frais de l'Etat. Le gouverneur entra dans une grande colère et demanda à ses gardes de les ramasser et de les jeter dans le Tigre, fleuve qui coulait à proximité. Chemin faisant un homme croisa la charrette qui les transportait et s'enquit de leur sort. On expliqua à cet homme que c'étaient « les fainéants du sultan » et qu'on allait les jeter dans le Tigre. L'homme les prit en pitié et proposa de les mettre dans une de ses propriétés où il apportait tous les jours du pain rassis pour ses bovins. Ils pourraient eux aussi se nourrir en mouillant le pain. Un des « fainéants » lui demanda : Et qui va nous mouiller le pain ? Vous-mêmes, répondit l'homme. Le fainéant s...

Surréalisme en Egypte

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  Au Marquis de Sade La bave n'étincelle pas, Sade, ni le vin. La semence ne luit pas comme une flèche. Mais le feu pourrit dans la terre perpétuellement. La nuit ne vomit pas sur ton lit, Sade. Les femmes ne laissent pas couler de leurs bouches du lierre rouge et des rats crevés, et leur soleil excrémentiel ne tourne pas dans leurs ventres. Mais le feu noircit dans leurs têtes perpétuellement. La bave ne brûle pas, Sade, ni la morve. La semence ne fait pas trembler leurs lèvres. Elles peuvent bien écraser les oiseaux, et dévorer leurs cous, les noyer dans leur premier sang, à la fois sources et cris. Mais le sang ne coule pas, Sade, ni le vent, ni la plage. Les torrents de salive ne souillent pas leurs ventres. Et le feu chante dans la terre perpétuellement. Claude Serbanne (1947)

Georges Schehadé

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  Portrait de Georges Schehadé par Georges Cyr ARISTOTE – Madame Borromée marie sa nièce. LE BARON FERAGUT – Excellente nouvelle ! ARISTOTE – Attendez baron ron... ron... ron... LE BARON FERAGUT – Eh bien quoi ? N'est-ce pas une bonne nouvelle que le mariage d'une fille dévergondée ? ARISTOTE – Elle se marie... avec trois. LE BARON FERAGUT – Comment ? ARISTOTE – Mademoiselle Pierrette épouse Colombo, Zanzi et Monsieur Adam ! LE BARON FERAGUT – A la fois ? ARISTOTE – Tout ce qu'il y a de plus. LE BARON FERAGUT – Aristo-to-to-te, qu'est-ce que vous dites ? ARISTOTE – C'est madame Borromée qui en a décidé ainsi. Et même, a-t-elle ajouté : « subito presto ». LE BARON FERAGUT – Puis ? ARISTOTE – Madame Borromée a chanté. Il chante la chanson qu'a chantée madame Borromée : Commençons par le commencement Et prenons les devants Ma nièce aura trois maris Au lieu d'un mari Et de deux amants ! Il faut prévoir ...

La lettre d'Aristée

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  Cette lettre, datée du II e   siècle avant Jésus-Christ, est un document juif qui raconte comment la Loi des Juifs a été traduite de l’hébreu en grec par soixante-douze savants juifs venus à Alexandrie vers le milieu du III e   siècle avant J.-C., pendant le règne de Ptolémée II Philadelphe. Au nombre de soixante-douze, dans la partie haute de l'île de Pharos, en face d'Alexandrie, dans trente-six petites maisons, deux par maison, enfermés de l'aube au coucher du soleil, le soir venu, les traducteurs étaient transportés par trente-six barques au Palais de Ptolémée Philadelphe. Ils dînaient avec lui et allaient se coucher toujours par paire dans trente-six chambres. Tout cela pour éviter qu'ils se réunissent ensemble, et afin que d'un bout à l'autre du travail ils traduisent sans intervention étrangère. Ptolémée avait fait construire ces trente-six petites maisons de l'autre côté de l'eau, dans l'île, et y avait fait enfermer les traducteurs deu...