Caracasseries

  L'Epiphanie de l'ineffable Choisi avec soin, le vêtement était en tulle et de couleur rose évanescente, doublé d'un gris profond de mousseline. Il se terminait en ondes sensuelles de tulle qui frôlaient et découvraient les chevilles. Avec ses lignes pures, le vêtement était subtil et solide, pesant et éthéré par la combinaison des textures et des couleurs. Elle le gardait dans une boite précieuse parmi des ceintures de soie et des pétales de rose. Quand approchaient les fêtes de Noël et du Nouvel An, elle allumait la lampe aux douces teintes de lumière lunaire et elle l'étendait sur le lit. La lumière de la lampa qui laissait à peine deviner le contours des choses, tombait de manière irisée sur le vêtement et lui donnait un air de fond de mer et d'ailes de papillon, et surtout une force surnaturelle. Chaque fois plus beau, chargé de quelque chose aussi extraordinaire que singulier, c'était une épiphanie de l'ineffable. Eliana Torres la regardait depuis l...

  Pablo RAMOS est né en 1966 dans une banlieue de Buenos Aires. Après une enfance difficile dans la rue, il a connu l’alcool et la drogue, et changé de vie en 1999. Il se consacre désormais à l’écriture. Poète, musicien de jazz, il a reçu le prix Casa de las Américas à Cuba. Il est également l’auteur de  L’Origine de la tristesse . C'était logique qu'une avenue aussi importante ait des trottoirs aussi importants. C'est ce que nous nous disions, mais La Perche était intervenu pour dire que non, qu'avant c'était une avenue de merde et que c'était le général Perón   qui l'avait élargie. Pour La Perche, tout ce qui était en ciment et mesurait plus d'un mètre ou pesait un peu plus d'un kilo, c'était Perón qui l'avait fait, et il nous cassait toujours les couilles avec ça. Et comment tu peux savoir que c'est Perón qui l'a élargie, tu l'as vu, peut-être ? lui a dit Alejandro. Non, mais chez moi il y a le plan quinquennal, ...

  Horacio Esteban Ratti   (1903 - 1992), fut écrivain et président de la Société Argentine des Ecrivains dans les années 1970. Fleurs d'oranger et glycines Fleurs d'oranger et glycines, fleurs qui s'effilochent, furent celles de mon enfance. Depuis lors, la vie, comme un oiseau, soutient son vol silencieux jusqu'au manque d'air dans un bruit de cristaux effilochés. Mais les rêves tournent et retournent la flagrance des fleurs d'antan. Tout redevient comme avant chaque fois que je le chante.

  Patricia Zangaro, née en Argentine, est auteur de théâtre. Elle occupe une place toute particulière dans la nouvelle écriture dramatique de son pays. Elle puise sa thématique dans l'Histoire, inclut dans la structure de ses pièces des formes traditionnelles, " met sur la scène " des marginaux, des délinquants, des laissés pour compte. Ses pièces ont toutes été créées en Argentine :  Hoy debuta la finada  (Aujourd'hui c'est le début de la fin) en 1988,  Pascua Rea  (Pâques des gueux) en 1991,  Por un reino  (Pour un royaume) en 1993,  Autodefe... entre bambalinas   (Autodafé... dans les coulisses) en 1996. Il faut ajouter deux pièces courtes qui sont, selon l'auteur, des " exercices d'investigation poétique sur un espace : le territoire mythique de la pampa " :  El Confin   (Les confins) et  Ultima luna  (Dernière lune). Les raisons de la forêt est un exercice de variations sur les thèmes de Tchékov. LA VIEILLE – Q...

  Ficelle Le gouvernement avait décidé qu'on ne pouvait pas se déplacer au-delà de dix kilomètres en raison de la pandémie. Nous avions donc tous une ficelle de dix kilomètres de long qui était fixée à notre cheville droite. Quand on sentait une pression sur notre pied droit, on savait qu'on était au bout de notre déplacement et on faisait demi-tour. Mais parfois les ficelles s'emmêlaient quand deux personnes se croisaient et il fallait se dépêcher de défaire les nœuds avant le couvre-feu. Heureusement, les ficelles étaient de différentes couleurs et les risques de confusion bien moindres. Il arrivait aussi qu'un rongeur mange la ficelle sans qu'on ne s'en rende compte et on pouvait alors se retrouver en Egypte ou au Groenland tout en étant convaincu de bonne foi qu'on était resté dans les limites des dix kilomètres. Mais en général, même si la ficelle était un peu grosse, tout se passait bien et la population avait accepté avec une certaine lassitude il...

  Les cinq numéros de  Contra. La Revista de los Franco-tiradores  sous la direction de Raúl González Tuñón, furent publiés entre avril et septembre 1933. C'est la revue qui a le mieux exprimer les problématiques esthétiques et idéologiques des années 30.Ses pages étaient le terrain où se retrouvaient les avant-gardes esthétique et politique : tout était fait pour prendre une p art active à la c onstruction d'une conscience révolutionnaire, sans le contrôle des idéologies. Voici un article tiré du premier numéro de Contra Dieu et le catholicisme par Vicente Barbieri Dieu n'a besoin que d'un beau paysage, une pensée juste, une émotion sincère, c'est à dire : la vérité. Le catholicisme a besoin d'un décorum, de candélabres, d'une messe dans une atmosphère propice qui permet la suggestion facile, c'est à dire : le sophisme. Personne n'est plus éloigné de Dieu que le catholique. Un homme qui défriche la terre, tout en la couvrant de sueur e...

  Pour les Indiens Chocos, de Panama, les femmes ont été découvertes par un démiurge, le tatou, qui s'est d'ailleurs comporté envers elles comme un véritable don Juan. Le tatou dit au tigre qui voulait le manger : Hélas ! Mon vieux, ma carapace est trop dure. Mais je veux bien essayer ton anus. Il mit sa queue dans l'anus du tigre qui cria, puis il s'en fut se baigner. Il traversa la montagne et sortit sur la plage où étaient les femmes. Lorsque le tatou vit ces femmes, il s'éprit d'elles. Les femmes ne connaissaient pas encore la fornication, et le tatou resta là jusqu'à ce qu'il eût couché avec toutes. Lorsqu'il eut fini, il dit : Où je vis, il y a beaucoup d'hommes. Il retraversa la montagne et retrouva les hommes qui n'avaient comme occupation que la masturbation. Il leur dit : J'ai trouvé une bande de femmes. Alors, on y va, répondirent en choeur les hommes. Et ils se mirent en marche. Ils sortirent une bar...