Articles

Mendiants et orgueilleux

Image
  Albert Cossery est un auteur francophone et parisien de nationalité égyptienne. Né d'un père rentier et d'une mère illettrée, Albert Cossery poursuit sa scolarité dans les écoles chrétiennes du Caire. Il est très tôt initié à la littérature française, et commence à écrire poèmes et romans dés l'âge de dix ans. C'est son premier recueil de nouvelles (publié en 1941 avec l'aide d'Henry Miller), Les Hommes oubliés de Dieu, que Cossery fait véritablement son entrée dans le monde littéraire. Cinq ans après, l'écrivain égyptien décide de s'installer à Paris, dans un modeste hôtel de Saint-Germain-des-Prés. Il publie ensuite environ un livre tous les dix ans. En 1948, paraît Les fainéants dans la vallée fertile, l'histoire d'une famille qui cultivait sa paresse comme une plante rare... En 1955, paraît Mendiants et orgueilleux, qui sera souvent considéré comme son chef-d’œuvre.  Soudain la clarté du jour l'assaillit, brutale, l'arrêta net ...

Proverbes

Image
  Le proverbe est le patrimoine de tout Egyptien. On le trouve dans toutes les couches de la société, dans toutes les classes et milieux sociaux : intellectuels, politiques, mondains ; chez les paysans, les ouvriers, dans le langage masculin, dans le langage féminin, dans la bouche des enfants, dans celle du savant et de l'illettré ; il est à la conversation ce que le sel est à la nourriture  ; les romans et le théâtre en regorgent, il émaille les dialogues de films, illustre la caricature politique, nourrit les articles de journaux, qui lui consacrent même des rubriques spéciales, et se retrouve jusque dans la chanson populaire. Depuis la plus haute Antiquité jusqu'à nos jours, jamais cette forme d'expression ne semble avoir faibli en Egypte et dans le monde arabe, d'autant plus qu'elle a toujours échappé au contrôle de la censure, de l'Etat et de la religion. « Il n'y a peut-être pas de langue aussi riche en proverbes que l'arabe, et assurément, il n...

Joyce Mansour

Image
  Joyce Mansour (1928 - 1986) Née en Angleterre de parents égyptiens, Joyce Mansour passe son enfance au Caire. Dans les années 40, elle s'installe à Paris où elle résidera jusqu'à sa mort. Son premier recueil de poèmes, Cris (1953), est salué dans la revue surréaliste Médium. Les vices des hommes Sont mon domaine Leurs plaies mes doux gâteaux J’aime mâcher leurs viles pensées Car leur laideur fait ma beauté. Laisse-moi t’aimer. J’aime le goût de ton sang épais Je le garde longtemps dans ma bouche sans dents. Son ardeur me brûle la gorge. J’aime ta sueur. J’aime caresser tes aisselles Ruisselantes de joie. Laisse-moi t’aimer Laisse-moi sécher tes yeux fermés Laisse-moi les percer avec ma langue pointue Et remplir leur creux de ma salive triomphante. Laisse-moi t’aveugler. Ne mangez pas les enfants des autres Car leur chair pourrirait dans vos bouches bien garnies. Ne mangez pas les fleurs rouges de l'été Car leur sève est le sang des enfants c...

Andrée Chedid

Image
  Française, née égyptienne d’origine libanaise, Andrée Chedid passe son enfance et son adolescence au Caire, puis s’installe à Paris à partir de 1946. Elle publie son premier recueil poétique en 1949. D’emblée, Andrée Chedid place son oeuvre sous le signe de l’universel. Romancière, nouvelliste, dramaturge, parolière de chansons, c’est en poète qu’elle perçoit et exprime le monde. La poésie est sa véritable patrie, sa terre d’élection. Certes, le Moyen-Orient (Egypte, Liban) est souvent présent dans ses romans et récits comme dans sa poésie, mais le cheminement de cette œuvre, au-delà du décor, tend vers l’essentiel et nous invite à une profonde réflexion sur la nature humaine. Elle est la mère du chanteur Louis Chedid et de Michèle Chedid-Koltz, peintre, et la grand-mère du chanteur Matthieu Chedid. BARAK – Te voilà enfin dressée de toute ta taille ! DEBORA – J'irai avec toi, Barak. Mais cette victoire, il sera dit que c'est à une femme que tu la dois ! Je me lève ...

Haïkus pour policiers stagiaires

Image
  Il était en Ecosse quand Eliot Ness enquêtait sur le Loch Ness. Morning Eliot ! Shit ! Idiot, vous avez fait fuir le monstre. Il était au Maroc quand Maigret au Maghreb poursuivait le voleur de bicyclette. Salut Inspecteur, ça roule ma poule ? Je ne pensais pas vous revoir de sitôt De Sica. Il était en Mauritanie quand Don Quichotte débarqua à Nouakchott pour y trouver Dulcinée. Hola Caballero, êtes-vous enchanté de me voir ? Enchanté ? C'est donc toi, l'Enchanteur. Sancho, sus à l'ennemi ! Il était en Thaïlande quand Sherlock fouillait Bangkok à la recherche du chien des Baskerville. Hello Holmes, pas de nouvelle du clébard ? Je ferai tout pour le trouver et pour qu'il vous morde ! Il était aux Philippines quand Rouletabille à Manille faisait un tarot. Oh, si Gaston Leroux apprend ça... S'il l'apprend ce sera par toi, alors fais gaffe. On se comprend ? Il était...

Souvenirs d'enfance

Image
  Silvina Ocampo a défini Inventions du souvenir comme une histoire prénatale. Loin de tout élan confessionnel, son écriture semble avoir été guidée par un désir impérieux de découvrir et de retenir la somme d'expériences précoces, pour certaines prématurées, qui forgèrent son imagination et sa sensibilité. Et les voyages en train, à l'aube, quand toute la famille partait à Luján* pour y communier, sauf elle qui attendait agenouillée sur un prie-Dieu, offrant ses mains, ses genoux, ses pieds tels des ex-voto de chair et non d'argent, puis, après le petit déjeuner et le chocolat devant la basilique, venait l'achat d'images et de médailles, de petits albums de photographies et de jumelles miniatures avec des vues du site et de la Vierge, et le catéchisme, premier livre qui lui avait paru pornographique, dissimulé comme un péché parmi les futurs livres d'étude, car dans l'examen de conscience se trouvait un mot abominable que le dictionnaire expliquait avec d...

Tout est calme au village

Image
  Au village Tout est calme au village. Le voisin vigile. Le coq ferme sa gueule sur le clocher. Les pelouses où se sont étendus les Allemands sont impitoyablement tondues et retondues. Les lourdes sont commandées à distance et s’ouvrent avec les feux des gyrophares dans des vieux grincements de métal neuf. Le chasseur évite de marcher sur les faisans pour ne pas se tirer une balle dans le pied. Les arbustes paient la taille c’est la corvée. Le dernier chien errant a été pendu et tous les cats ont leurs certifichats. Belles lurettes sans vache sans cheval à peine quelques dos d’âne – juste le dos pour freiner l’enthousiasme automobile. Le facteur engrosse des boites à lettres boursouflées de fientes publicitaires. Les vieux du pays croulent à l’hospice leurs yeux versent des larmes de maïs. Mais pas question de négliger la culture au programme des concerts de tondeuses on peut dire que ça gaze dans le gazon. Attention le corbeau sur so...