Cadavre exquis d'Agustina Bazterrica

Voici un roman bien curieux de la lecture duquel on ne sort pas indemne : Cadavre exquis d'Agustina Bazterrica. L'auteur imagine une terre surpeuplée et polluée et dont les animaux sont tous contaminés, ce qui oblige les hommes à créer des élevages d'humains. On les élève comme du bétail, on coupe juste les cordes vocales et on les abat quand ils sont bons à manger.


L'eau froide coule dans son dos. Il s'assied par terre dans la douche. Doucement, il fait non de la tête, mais il ne peut s'empêcher de se souvenir. A l'époque, certains avaient déjà commencé à tuer des gens pour les manger clandestinement. La presse avait mentionné le cas de deux Boliviens sans emploi, attaqués, démembrés puis rôtis par leurs voisins. La nouvelle lui avait donné des frissons. Ce fut là le premier scandale public, celui qui introduisit dans la société l'idée que, après tout, la viande reste de la viande, qu'importe d'où elle vient.
Il incline la tête pour faire couler l'eau sur son visage. Il voudrait que les gouttes lui lavent le cerveau. Mais il sait que les souvenirs restent là, toujours. Dans plusieurs pays, les immigrés s'étaient mis à disparaître en masse. Des immigrés, des marginaux, des pauvres. Ils étaient chassés, et quelquefois sacrifiés. La législation fut prononcée lorsque les gouvernements se mirent à subir des pressions des puissants groupes industriels du secteur qui était à l'arrêt. Les abattoirs et les normes s'adaptèrent. Très vite, on éleva du bétail pour répondre à la demande massive de viande.
Il sort de la douche et se sèche à peine. Il se regarde dans le miroir, il a des cernes. Lui, il souscrit à une théorie dont certains voulurent parler publiquement, mais qui furent réduits au silence. Un grand zoologiste qui écrivait dans ses articles que le virus qui touchait tous les animaux n'était qu'une invention eut un regrettable accident. Lui aussi il pense que cette épidémie n'est qu'une mise en scène pour endiguer la population.
Agustina Bazterrica est née à Buenos Aires en 1974. Cadavre exquis est son premier roman qui lui a valu le prestigieux prix Clarin en 2017.

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