Articles

Affichage des articles du juin, 2020

GUÍA DE BUENOS AIRES (UNA FICCIÓN)

Image
Buenos Aires est nef et mystère. Une demoiselle née dans le vent et la bruine. La cité est une galaxie qui protège de minuscules univers. Buenos Aires pourrait bien être un train de wagons légers qui descend une pente : à la fois la vie qui se termine et la tentative de souffler l'éternité à la mort. Sur la pente on peut toujours se livrer à des observations : une manière heureuse de connaître le murmure de la veille, ce qui arrive quand les histoires se laissent voir dans leur passage quotidien. TEXTES D'EDGARDO LOIS - PHOTOS D'EDUARDO NORIEGA L'amie d'Antonio restait seule dans la cour de l'école. Elle lui avait dit depuis qu'elle était gamine qu'elle avait peur, qu'elle se sentait différente, bizarre. Que dans son école primaire elle avait beaucoup souffert. Elle sentait que les autres ne l'aimaient pas. Depuis toute petite, elle était sujette à des douleurs très vives, Antonio le savait bien. Etre loin de la porte pour

Soir trop chaud

Image
Soir trop chaud Soir trop chaud pour la saison arôme de cerises déjà mûres jaunisse de l'herbe par plaques alors le corps ne supporte plus le moindre petit degrés en plus ni de te regarder presque nue arroser les plantes qui brûlent les pieds imprimés de feuilles chevilles agacées par l'ortie cuisses rouges de frottements sexe transpirant de nos désirs seins à la hauteur des branches tête dans la nuée de moustiques et cheveux détrempés de sueur Buvant goulûment à la pomme de maladroites éclaboussures te font marcher dans la boue caresser la goutte sur ta peau éventer ton ventre et ta toison décoller tes seins de la tunique me sourire enfin et me demander : tu veux bien remplir l'arrosoir ?

Alejandro Boim

Image
Originaire d'Argentine, Alejandro Boim (né à Buenos Aires en 1964) explore plus avant le surréalisme, tout en restant dans le figuratif. Sa créativité semble sans limites et interpelle constamment l’observateur. Son sens de l'humour se révèle à chaque création. Boim a enseigné pendant plusieurs années à l’École des Beaux-Arts de Buenos Aires. Ses œuvres sont exposées au Canada et en Europe. Il a obtenu une licence en Arts Plastiques à l'Université de Paris VIII. Métro La boite La rose noire Papa attend sa part de tarte Vieux souvenir avec médicaments Une très intéressante interview de Alejandro Boim :

Julio Cortazar

Image
"Je pense maintenant à une de mes nouvelles, « Les armes secrètes », où la variante consiste en ce que c'est le fantôme qui veut se venger de la femme (il avait été tué par la Résistance pour avoir violé la femme). Le procédé est différent. Le fantôme envahit le corps du jeune Français qui est sincèrement épris de la fille. Et celle-ci l'est du garçon." Les armes secrètes C'est drôle, les gens croient que faire un lit, c'est toujours faire un lit ; que donner la main, c'est toujours donner la main ; qu'ouvrir une boîte de sardines, c'est ouvrir indéfiniment la même boîte de sardines. « Tout est exceptionnel au contraire », pense Pierre en tirant maladroitement sur le vieux couvre-lit bleu. « Hier il pleuvait, aujourd'hui il fait soleil ; hier j'étais triste, aujourd'hui Michèle vient. La seule chose qui ne change pas, c'est que je n'arriverai jamais à donner à ce lit un aspect présentable. » Mais cela ne fait rie

azotea

Image
Le toit terrasse, que de nombreux bars et restaurants ont aujourd'hui transformé en terrasse ombragée, est l'une des caractéristiques de l'architecture de Buenos Aires. Ce toit plat est typique des casas chorizo ou maisons saucisses, tout en longueur, où corridors et pièces de vie se succèdent, donnant sur des paliers. Larges de 8,66 mètres en façade, ou au mieux d'un multiple de cette unité de base, ces maisons basses construites sur le modèle pompéien remplacent petit à petit pour la classe moyenne portègne, au cours du XIXe siècle et jusque dans les années 1930, les maisons coloniales et créoles. Parallèlement, après l'épidémie de fièvre jaune de 1871 qui décime les quartiers du port, au sud de la ville, les familles aisées qui possédaient des maisons patriciennes à toits plats dans le centre historique colonial (quartiers de San Telmo et Montserrat) migrent vers les quartiers nord ; influencées par cette Europe où elles passent une partie de l'année, e

Alejandra Pizarnik

Image
C'est un poème d'Alejandra Pizarnik et j'en ai trouvé deux traductions Los de lo oculto Para que las palabras no basten es precioso alguna muerte en el corazón. La luz del lenguaje me cubre como una música, imagen mordida por los perros del desconsuelo, y el invierno sube por mí como la enamorada del muro. Cuando espero dejar de esperar, sucede tu caída dentro de mí. Ya no soy más que un adentro.   El infierno musical   (1971). Ceux qui sont cachés Pour que les mots ne suffisent pas, une mort dans le cœur est précieuse. La lumière du langage me couvre comme une musique, une image mordue par les chiens de la déconsolation, et l'hiver monte pour moi comme l'amour du mur. Quand j'espère arrêter d'attendre, ta chute se produit en moi. Je ne suis plus qu'un à l'intérieur  (traduction proposé par Nela Ramos) Ceux de l’obscur Pour que les mots ne suffisent pas, une mort dans le cœur est nécessaire. La l

Théâtre

Image
La revue Alternatives Théâtrales d'avril 2019 était consacrée au théâtre argentin. Voici en fin de revue un extrait d'un entretien avec divers créateurs de Buenos Aires : Alejandro Tantanian, Oria Puppo, Ariel Farace et Andrès Gallina (Teatro Cervantes). Pourquoi tant d'acteurs et si peu de metteurs en scène ? Parce que dans notre pays le texte continue d'être la clef de voûte du théâtre. Le texte reste le centre. On continue à croire que le texte est couché et qu'il suffit de le mettre debout. L'auteur écrit une pièce en deux dimensions et il n'a qu'à le redresser pour le mettre en trois dimensions. Le travail de mise en scène semble être la simple transposition qui va du papier à la 3D : là où on lit un lit, on met un lit, là où on lit une table, on met une table. Le processus de travail continue d'être orienté du texte vers la scène, c'est ça le parcours classique. Il n'y a pas beaucoup de propositions alternative

Le délit de démesure ne peut être pardonné

Image
Le délit de démesure ne peut être pardonné La Maladie s'est retirée dans son antre, repue certainement, mais pour combien de temps ? Elle a tellement profité de l'impréparation générale, elle s'est tant gavée de vieux, qu'elle a du mal à s'endormir. On l'entend se retourner dans son sommeil. Les humains ont recopié le passage d'Ulysse et du cyclope Polyphème, mangeur d'hommes. C'est qu'ils ont réussi, eux aussi, à lui enfoncer un pieu dans son unique œil, mais le monstre garde toujours la porte. Ulysse était donc confiné avec ses compagnons dans la grotte. C'était déjà le confinement ou la mort. Pour en sortir, Ulysse et ses copains s'accrochèrent à la laine des moutons pour passer sous le nez du cyclope. Toute la difficulté aujourd'hui est de savoir à quoi s'accrocher. Les similitudes avec l'Odyssée ne s'arrêtent pas là. Pénélope tissait une tapisserie qu'elle défaisait la nuit, et en France on a fabriqué

Angeles Mastretta

Image
L'histoire très ordinaire de la générale Ascencio  est le premier roman de l'écrivaine mexicaine Angeles Mastrett a, paru en 1985 sous le titre  Arrancame la vida  - littéralement « Arrache-moi la vie » (on est loin du titre français !). Catalina, la protagoniste, évoque sa vie (pas si ordinaire que ça) avec le général Ascencio, l'un des nombreux « héros » engendrés par la Révolution mexicaine de 1910. Mariée à 15 ans à cet homme beaucoup plus âgé qu'elle, elle est d'abord aveuglée par l'amour qu'elle lui porte : elle accepte tout, ses maîtresses, les enfants illégitimes qu'il sème à tous vents et lui amène, et surtout son goût démesuré de la politique et du pouvoir qui le poussent à de multiples crimes et exactions. Puis, peu à peu Catalina prend ses distances avec cet homme brutal et dévoré d'ambition . Ce roman, par un ton corrosif et cinglant, par des évocations d'une cruelle vérité, par un regard impitoyable porté sur un monde do

Edgardo Lois

Image
La superficie de la Lune est habitée par des chats, spécialement par un, el Colorado, qui passe une grande partie de la journée à dormir au soleil ; ce chat a la particularité d'être assez crasseux. En général les chats passent une grande partie de leur vie à se nettoyer, mais pas el Colorado qui ne fait rien que fainéanter sur les tôles et en oublie les spécificités de son espèce. Il semble que el Colorado possède certaine information sur ce qui est important dans la vie, ce qui fait qu'il vit la sienne, peu importe si les idiots du quartier murmurent comme toujours, et, je crois que, d'une certaine manière, il a parié qu'il se fera une place dans ma nouvelle histoire et qu'il pense bien y rester. Il doit savoir qu'en le voyant sur la Lune, qu'en imaginant qu'il y habite, je me suis souvenu de l'histoire de H.P. Lovecraft (1890-1937) : A la recherche du soleil levant (1927) : (…) Et sans doute il serait possible d'apprécier la même douceu

Los Fabulosos Cadillacs

Image
Formé le 19 janvier 1985 à Buenos Aires, Los Fabulosos Cadillacs est un groupe de musique orienté pop en activité depuis 35 ans. Los Fabulosos Cadillacs est un groupe de rock et pop argentin, originaire de Buenos Aires. Formé en 1985, leur premier album,  Bares y Fondas  est publié en 1986. Ils comptent 14 albums à leur palmarès. Après sa séparation en 2002, le groupe se reforme en 2008. Ils sont l'un des groupes de rock les plus influents et respectés du monde latino. En 1994 le clip de leur morceau  Matador  reçoit le MTV Latino du meilleur clip, et le groupe reçoit en 2000 un prix pour le morceau La Vida par MTV Latinoamérica. En 2008, ils reçoivent le Premio Leyenda, décerné par MTV Latinoamérica. En 2016, ils tournent en Amérique du Sud, aux États-Unis et en Europe. Manuel Santillan, El Leon Le lion se cache dans la ruelle Il sait bien ce qui va lui arriver Alors il sort son revolver et s’apprête a tirer La police le cerne sans trêve Ils le recherchent pour règl

Eduardo Gudiño Kieffer

Image
Eduardo Gudiño Kieffer (1935 – 2002) était un écrivain argentin né à Esperanza, Santa Fe. Du côté de sa mère, il est apparenté au peintre argentin Sebastian Spreng, également originaire d'Esperanza. Il faisait partie du boom de la littérature latino-américaine des années 1960. Fairy Song C'étaient celles qui aidaient les araignées à tisser leurs toiles, celles qui fixaient les gouttes de rosée sur les corolles des primevères, celles qui chantaient accompagnées par l'orchestre des grillons l'histoire du château de Tintagel. C'étaient celles qui fignolaient les escapades magiques, qui inventaient les filtres et les exorcismes, celles qui octroyaient les dons, celles qui riaient en se souvenant qu'elles avaient aidé à la contrebande de blondes et de brandy ; celles qui pleuraient en pensant à la fuite sur les quais de Dymchurch, quittant la vieille Angleterre qui devenait de plus en plus cruelle, avec les horribles cloches de Canterbury, les bûch

Buenos Aires en V.O.

Image
Buenos Aires en V.O. par Gwen-Haël Denigot Préface Toute ville digne de ce nom est paradoxale, l'un et son contraire. Buenos Aires, peut-être à force de toujours vivre au bord de la crise -économique, politique ou existentielle- s'enivre de ses contradictions dont seule la littérature peut rendre compte. Tissée de nos imaginaires, elle invente la ville et en fait un lieu réel, avec ses parfums, ses bruits, ses perspectives, ses rencontres inassouvies. « On lit un de ces livres dont une ville est le lieu, et puis, débarquant un jour pour la première fois, on constate que rien n'a changé depuis qu'on n'y est jamais allé » remarque Olivier Rolin, cet amoureux des bouts du monde, sur les traces duquel je me rendis dès mon arrivée, à la Confiteria Ideal du Bar des flots noirs . Que le premier étage ait été un haut lieu du tango n'était qu'accessoire : il fallait entrer dans la ville comme dans un roman. Et pourquoi y a-t-il une esquina rosada à l

Alfonsina Storni

Image
Poème nocturne Il est très doux le silence de cette heure ; quelque chose dans le jardin tremble et pleure. Oh viens, que tes mains servent d'oreiller pour que j'y pose ma tête tenaillée. Je t'attendrai sur notre banc et pour te plaire serai vêtue de blanc. Ne t'attends en arrivant à ce que je trotte hors de la tonnelle qui est notre grotte. J'ai pris l'habitude d'empêcher mon cœur à ton passage de provoquer des sueurs. Mon cœur en est tellement épuisé qu'il finira comme un verre brisé. Si dans tes bras je m'apaise demain toi, qui es un poète d'instinct, mets-moi sur les tempes des roses de tes mains fines et nerveuses. Je les sentirai tomber comme une brise dans le silence bleu de mon abri. Tu ne sais pas que la mort est la douceur jamais ressentie dans notre vie de pécheur ? Oh, si c'était là le silence éternel ! pas de calme hivernal, pas de soleil. Je

Santiago Gobernori

Image
Santiago Gobernori est né à La plata (28/10/1978) Il a commencé sa carrière de dramaturgie sous l'égide de Mauricio Kartùn. Il se forma comme acteur sous la direction de Rafael Spregelburd, Mariana Obersztern et Ricardo Bartis. Il est le co-fondateur avec Matías Feldman y Juan Cruz García Gutierrez du club de teatro Defensores de Bravard. Il est, au cinéma, un des acteurs de « La Flor ». Rencontre : Ariel et Mariela sont un couple désormais séparé. Ils ont décidé de se rencontrer à nouveau ; le spectateur est l'unique témoin de ce qui va se passer. MARIELA – Pour qui tu as voté ? Ne me dis rien !! Je le sais, et je préfère que tu ne me dises pas. Ca va me révolter et je vais m'en aller. Mais, bien, tu es assez grand, tu votes pour qui tu veux. Toi, tu n'as jamais rien compris à la politique. Tu es un bébé gâté, un bébé à sa maman, qui s'habille à la mode et joue au squash. Pour toi, qu'est-ce que ça te fait l'insertion sociale ? Rien ? Que ce