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Affichage des articles du novembre, 2019
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César Aira Né en 1949 dans la province de Buenos Aires, César Aira compte parmi les plus grands romanciers latino-américains contemporains. Romancier, nouvelliste, dramaturge, essayiste, il est l'auteur de nombreux livres, dont la plupart sont traduits en français. La Guerre des gymnases (1993) Il alla dans le petit salon et s'assit par terre, comme il le faisait quand il était petit. Comme il le faisait toujours, en réalité. Son père lui passa une serviette, puis une assiette remplie de pâtes et une fourchette, le tout dans la pénombre colorée de l'écran de télévision. Ils n'allumaient jamais la lumière le soir, par un accord tacite, en raison de la maladie de la mère. Ils étaient habitués à se contenter de cet éclairage. Il demanda un verre de soda, qu'il but d'un trait. Il dit que les exercices l'avaient déshydraté. (….....................................................) La télévision suivait son cours. La mère fit un g
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Alejandra Pizarnik L'absent I Le sang veut se reposer. On lui a volé sa raison d'aimer, absence dénudée. Je délire, je m'écroule. Que dirait le monde si Dieu l'avait abandonné ainsi ? II Sans toi le soleil tombe comme un mort abandonné. Sans toi je me prends dans mes bras et je m'emmène vers la vie mendier de la ferveur. El ausente I La sangre quiere sentarse. Le han robado su razón de amor. Ausencia desnuda. Me deliro, me desplumo. ¿Qué diría el mundo si Dios lo hubiera abandonado así? II Sin ti el sol cae como un muerto abandonado. Sin ti me tomo en mis brazos y me llevo a la vida a mendigar fervor. Tomado de «Las aventuras perdidas», en Obras completas.
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Ricardo Monti Né Buenos Aires en 1944, auteur d’essais littéraires et d’une quinzaine de pièces, toutes créées en Argentine et dans la plupart des pays d’Amérique latine. Certaines sont traduites en allemand, anglais, français et en italien. Il est aussi co-scénariste, metteur en scène. Il a adapté pour le théâtre Marelle de julio cortázar (spectacle invité dans plusieurs festivals  et La Muerte en Venecia (la mort à Venise) de Thomas Mann (en cours de création). il a obtenu de nombreux prix dont Argentores, Florencio sanchez…et Carlos Arniches (en Espagne). Il est mort cette année 2019, le 5 juillet.   Je ne te lâcherai pas avant que tu me bénisses (1999) Une chambre d'hôtel. Roca, un garde du corps, attend la venue du président argentin. Apparaît un travesti prétendant être Sarah Bernard. Est-elle vraiment là? Est-elle dans la tête du garde du corps? Et si elle était la réincarnation du fils de Roca mort suicidé quelques années auparavant à la suite du rejet de son p
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Victor Brauner et le Mexique Après la défaite de juin 1940 et l’occupation partielle de la France par l’armée allemande, Victor Brauner se réfugie dans la famille du poète Robert Rius (dont il vient d’illustrer le recueil Frappe de l'Echo) à Perpignan.. En novembre, il est à la villa Air-Bel à Marseille, avec d’autres artistes comme André Breton, Max Ernst, Wifredo Lam et le militant communiste anti-stalinien Victor Serge. Il espère obtenir un visa pour quitter le pays et échapper à la répression du régime de Vichy. Il espère aller au Mexique. Durant cette période, il participe à la création du « Tarot de Marseille » pour lequel il dessine les figures de la medium suisse Hélène Smith et du philosophe Hegel. L’espoir d’exil se révélant vain, Victor Brauner est alors caché en Provence par René Char. La précarité de sa vie le contraint à s’adapter et utiliser le peu de matériau dont il dispose. Ainsi, il peint à la cire, matière à qui il donne une valeur alchimique, voire ésotériqu
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Brésil 1968-2019 Ce qui se passe aujourd'hui au Brésil, avec l'arrivée de Bolsonaro et des sectes de tout poil, fait penser au film de Glauber Rocha, qui date de 1968. Un couple de paysans brésiliens, touché par la misère, est fasciné par deux personnages violents et mystiques qui symbolisent sa révolte. Le Dieu noir et le Diable blond , ce sont les rochers secs, le sertão nu . Manuel, assassin par misère, se trouve embarqué dans la folie meurtrière de deux déments qui sont les produits nécessaires de la faim et de l'ignorance. Le Dieu noir, vénéré comme un saint Sébastien libérateur, révulse les foules en prophétisant la mer, la richesse, le triomphe des pauvres. Le Diable blond, plus frénétique, ne veut que vengeance dans le sang. Tous deux conduiront Manuel à tuer, avant d'être eux-mêmes abattus. Mais là encore, c'est la tenace illusion qui triomphe : devant Manuel courant pour échapper à la mort, la mer symbolique se découvre. Mais peut-être s'a
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Le renard, la tourterelle et le moineau En haut d'un arbre une tourterelle (urpilita) avait fait son nid dans lequel se trouvaient plusieurs petits que Don Juan Renard avait bien envie de manger et il ne s'en cacha pas : Donne-moi un de tes oisillons, sinon je monte et je te mange toi et le reste de ta famille. La tourterelle prit terriblement peur et elle jeta un de ses petits, dont le renard ne fit qu'une bouchée. Puis, inconsolable, elle se mit à pleurer. C'est alors que passa l'oncle Agustin, le moineau (chuschin) et il lui dit : Pourquoi pleures-tu, urpilita ? La tourterelle expliqua ce qui venait d'arriver et l'oncle Agustin lui dit alors : Que tu es innocente, urpila ! Tu ne vois pas que ce vaurien ne te raconte que des mensonges ? Les renards ne montent pas dans les arbres. Demain il va revenir, ce criminel, et il te demandera un autre de tes oisillons. Tu lui diras qu'il vienne le chercher lui-même et tu verras qu&#
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La fleur de ceibo La fleur du ceibo fut déclarée fleur nationale d'Argentine le 22 décembre 1942 ; elle se trouve sur les cours d'eau, les marais, les estuaires et dans tous les lieux humides. Mais à cause de sa splendeur, elle est présente dans les promenades, les parcs et les places. Elle fut aussi déclarée « fleur nationale » en Uruguay. Son nom scientifique est Erythrina (en grec, « erythros » signifie rouge) à cause de sa couleur. Elle mesure entre 6 à 10 centimètres, avec un diamètre de 0,50 centimètre.  Le ceibo est un arbre originaire d'Amérique et spécialement du littoral argentin. Mais on le trouve aussi en Uruguay, au Brésil et au Paraguay. Son bois, blanc brillant et très souple, est utilisé pour fabriquer des articles légers. Ses fleurs sont prisées pour teindre des tissus. La légende de Anahí est aussi appelée la légende de la fleur du Ceibo. Ce beau récit raconte l’histoire d’une jeune fille indienne appartenant à la tribu des Guaranis
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Leopoldo Marechal Comme Don Quichotte en quête de sa Dulcinée, le poète Adan Buenosayres au cours de trois journées d'avril 1927 recherche l'âme sœur dans l'exploration systématique de Buenos Aires; un parcours initiatique à travers la ville, des bas-fonds aux beaux quartiers. Le chef d’œuvre d'un auteur argentin d'ascendance française dont le grand-père, communard en 1871, dut s'exiler en Amérique du sud. Adan Buenosayres, pantelant, alla jusqu'au rebord du trottoir, scruta le fond secret de la rue, dressa l'oreille, écouta longuement : la rue Canning était déserte et, en son espace, aucune rumeur n'altérait le silence nocturne. Personne, dit-il. Pas une âme. Et les autres ? le questionna encore Samuel. Disparus. A cette triste nouvelle, le philosophe déclama d'une voix de stentor : Où sont mes compagnons du Cerrito et d'Ayacucho ?... Mais Adan interrompit sa strophe et, le secoua
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Nicanor Parra Le verbe « cachar » a, en général, en Amérique Latine le sens de comprendre ou de découvrir. Mais au Panama, au Pérou et au Chili, il peut aussi prendre le sens de faire l'amour. On le trouve ici dans un poème de Nicanor Parra : Le poète et la mort A la porte du poète la mort arrive pompette ouvre vieux j'suis à la r'cherche d'une brebis seule au monde Je suis malade -plus tard excus'-moi vieille paillarde Allez ouvre vieux salaud s'rait-ce que tu vas t' dégonfler ? t'as beau être très malade tu vas devoir m'enfiler Laisse-moi mourir tranquille je te dis vieille lapine Ecoute vieux saligaud et tes moustach' de cafard avant qu' de mourir i faut qu' tu m' files un coup d' braquemard La porte s'ouvre aussi sec : Allez – entre vieill' cinglée et la v'là qui se met à poil et le vieux ben il l'empale traduction de Bernard Pautrat Il
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Alejandra Pizarnik Avec Arbre de Diane la poésie d'Alejandra Pizarnik atteint pour la première fois cette intensité qui la rend unique. Ses recueils précédents sont déjà traversés d'éclats qui annoncent celui-ci et les obsessions y sont les mêmes. Mais la tension et le pouvoir d'envoûtement du poème sont ici accentués par la découverte de la «miniature ». Publié à Buenos Aires en 1962, quand Alejandra Pizarnik vivait à Paris, ce recueil marque un tournant dans son œuvre : composé de 4 parties, rassemblant des poèmes écrits entre 1956 et 1961, il montre la volonté de faire un point sur son parcours. «L'arbre de Diane n'est pas un corps qui puisse se voir : c'est un objet (animé) qui nous permet de voir au-delà, un instrument naturel de vision » a écrit Octavio Paz. Jours pendant lesquels une parole lointaine s'empare de moi. Je vais ces jours-là aussi somnambule que transparente. La belle automate se chante, s'enchante, se raconte des chose
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Mauricio Kartun Avec la pièce "La casita de los viejos" de Mauricio Kartun, nous entrons dans la tête et l'esprit de Rubén, un homme simple, sexagénaire, avec des rêves jamais réalisés. Un homme gris qui retourne à son enfance chaque fois qu'il comprend qu'il vient de commettre une erreur. C'est alors qu'il se retrouvera avec ceux qui ont été les architectes de sa vie : Rosa, une voisine et ses deux filles. Mais aussi une mère calculatrice et quasi absente, un père despote jusqu'à la cruauté qui le méprisent au point de le considérer comme insignifiant. (la porte est ouverte et Ruben n'ose pas passer) PERE – C'est fermé... La fenêtre qui donne sur la cour est fermée aussi. RUBÉN – Je veux sortir! (Il s'arrête devant la porte sans oser la franchir). PERE – Rien à faire. On ne bouge pas d'ici. Trois semaines sans dessert. Et maintenant : au bain sans manger. Avec les autres... Ca t'apprendra. RUBÉN – Non... Cette fois non... P
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Julio Cortázar Réconciliation tardive illustration de Julio Silva Je suis une sphinge. Hi hi. Bon, j'ai l'air d'une sphinge, et d'ailleurs je suis très méchante. Moi je suis le petit frère de quelqu'un que vous ne connaissez pas, et ce n'est pas vrai que je m'appelle Guillaume. ? Je suis venu parce que dans notre quartier on dit que vous n'avez pas l'air d'une sphinge, et qui vous vous mettez en colère si quelqu'un vous le dit. ?? Autre chose : quel est l'animal qui marche à quatre pattes le matin, à midi sur deux et le soir sur trois ? Eh bien moi je marche seulement sur une et c'est une bonne raison pour que je refuse de répondre à des questions tellement pleines de pattes. Vous êtres sympathique. Je vais vous dire la vérité : je m'appelle Guillaume. Et moi je suis une sphinge. C'est incroyable comme nous nous comprenons, n'est-ce pas, sphinge? Hum. Ne
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Le renard et le tatou conte populaire Un jour que Don Juan, le Renard, se promenait sur le chemin, il rencontra Don Augustin, le tatou, qui était en train de manger du pain et des chaussons aux pommes. Le renard aimait beaucoup les chaussons et il demanda au tatou comment il avait fait pour les obtenir. Le tatou avait peur du renard, aussi il lui expliqua aussitôt : Tu sais, compère Juan, que ce matin sont passés par cette route toutes les marchandes qui vont à la fête de Sumalao. Elles portent sur la tête de grands plateaux avec leur marchandise. Moi, je me suis couché sur le chemin, comme si j'étais mort de froid. Les marchandes sont arrivées, tout heureuses de me voir. La première qui s'est approchée m'a pris en disant qu'elle me mangerait le soir à la broche et elle m'a mis dans son plateau avec le pain et toutes les friandises. Puis elle a repris la route en discutant avec les autres marchandes. Moi, j'ai jeté au bord du chemin tout ce q
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Axel Amuchastegui Axel Amuchastegui, né en 1921 à Cordoba et mort en 2002, fut l'un des plus grands peintres animaliers du Xxème siècle. Il est aujourd'hui présent dans de nombreux musées, et particulièrement à la Galerie Tate à Londres Il a également illustré « Alice au pays des merveilles ».
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Jorge Luis Borges Rue inconnue Pénombre de la colombe était le nom que les Hébreux donnaient à l'approche du soir, quand l'ombre ne gêne pas encore nos pas et que la venue de la nuit se ressent comme une musique attendue et ancienne, comme une douce pente. A cette heure où la lumière a une finesse de sable je me trouvai dans une rue ignorée, noblement ouverte en large terrasse, dont les corniches et les murs montraient des couleurs tendres comme le ciel même qui émouvait le fond. Tout – la banalité des maisons, les modestes balustrades et les heurtoirs, peut-être un espoir de jeune fille aux balcons - entra dans mon cœur inutile avec une limpidité de larme. Peut-être était-ce cette heure du soir argenté qui donnait sa tendresse à la rue, la rendant aussi réelle qu'un vers oublié et recouvré. Plus tard seulement je fis réflexion que cette rue du soir m'était étrangère, que toute maison est un candélabre où les
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Une histoire de photo : la rédaction de la revue SUR en 1931 Dans un grand « V » de victoire, quatorze personnages savamment disposés : la rédaction de SUR , une revue portègne – photo officielle réalisée à la sortie du premier numéro, l'été 1931. Tout en bas à gauche, modestement assise – en fait poliomyélitique -, Maria Rosa Oliver, écrivaine féministe au pays des machos et coordinatrice, avec Victoria Ocampo, de l'Union argentine des femmes. Au-dessus d'elle, dans cet étrange échafaudage, à gauche, curieusement tapi derrière le muret de l'escalier, Ernest Ansermet, prestigieux chef d'orchestre suisse qui dirigea l'orchestre philharmonique de Buenos Aires de 1924 à 1933 et entretint une profonde amitié avec Victoria Ocampo. En bonne place devant sa troupe, Jorge Luis Borges, noyau dur de ce comité, jeune et robuste en ses trente-deux ans, visage rond, front altier, l'oeil fixe, ou peut-être trouble, car déjà la cécité le guette. Borges est le
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Víctor Heredia Taki Ongoy (en quechua : "La maladie du chant ou la danse de la maladie" ) est un album édité en 1986 par le chanteur argentin Víctor Heredia . C'est une œuvre conceptuelle qui rappelle le mouvement indigène politique et culturel du même nom (écrit aussi Taki Unquy), surgi dans les Andes péruviennes au XVIème siècle contre la récente invasion espagnole. Cet album fait alterner des morceaux musicaux avec des récits qui décrivent l'histoire des peuples originaires d'Amérique depuis la période précolombienne jusqu'à nos jours, dans la perspective historique des indigènes opprimés pour leur identité et leur liberté. L'oeuvre fut mal reçue par l'Eglise catholique ; l'évêque Desiderio Collino demanda l'excommunication de l'auteur, pendant que l'ambassadeur d'Espagne en Argentine suggéra au gouvernement de Raul Alfonsin de l'interdire. L'album fut réédité en 2006 et cette même année fut déclarée de «