Lunfardo

 

Barrio Once en 1920

Bien que le terme soit dérivé de lombardo (lombard) qui a aussi le sens de voleur en dialecte romain, le lunfardo n'est pas l'argot des prisons comme on l'a longtemps cru. C'est simplement, mais amplement, le langage populaire de la capitale argentine, entre argot et registre familier.

Aujourd'hui utilisé en complément de l'espagnol standard, le lunfardo a longtemps été pour les poètes une manière de s'opposer au castillan pour exprimer la voix du peuple. Les paroles de tango en sont le véhicule privilégié, notamment dans les années 1920 et 1930, ce qui leur vaut d'être censurées après le coup d'Etat de 1943. Pour pouvoir être diffusés ou joués en public, les tangos devaient être expurgés ou réécrits en « bon espagnol »

Carlos De La Pua (La Plata 1898-Buenos Aires 1950) est un journaliste, poète, scénariste et réalisateur, figure majeure de la bohème des années 20. Il fréquenta Borges, Roberto Artl, Carlos Gardel et le bandonéoniste Anibal Troilo.

En 1928, il publie son seul livre de poésie, La Crencha engrasada (qui pourrait se traduire par La Raie dans les cheveux gras) considéré comme l'oeuvre majeure de la poésie lunfardienne. C'est la face sombre de la ville, peuplée de pauvres et de délinquants.

BARRIO ONCE

Briseur de lanternes avec mon vieux lance-pierres,

j'avais deux ennemis : les flics et le garde.


Et les poches pleines de boulets et de miettes,

je remplissais toute la rue du choc des billes dégommées.

Ma petite bille de lait !... Où peux-tu bien être, mon amie ?

Et l'autre, de mille couleurs, toute cassée et sale !


Elles ont disparu avec les cinq noyaux d'abricot

du jeu d'osselets que j'adorais... Vivent les osselets !

Qu'est-ce qu'on a pu y jouer avec le Nègre et le Basque

et avec Casimba, le fils de l'arnaqueuse.


Quartier chéri, où je gribouillais à la craie

avec un morceau piqué à l'école : J'aime Adelita !

A bas les idiots ! Zut au coup d'Etat !

Celui qui lit ça est un... Toto drague Lita.


Quartier chéri, où j'ai fini par abandonner

mon palet bien-aimé, un symbole de mes dix ans

aujourd'hui – alors que je me débrouille dans la loterie de la vie-

ton souvenir me vivifie comme un poème sensible.


Ton souvenir est un goal qui me donne la victoire...

Parce que j'ai beaucoup joué, je vois clair dans la vie...

Quartier chéri, toute mon histoire passe par tes rues.

C'est un cache-cache et une partie de saute-mouton.




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