Mafalda vue par Umberto Eco

 


La BD est tellement célèbre en Argentine, que de nombreuses expressions populaires sont tirées des réparties ou inspirées des personnages. Ainsi les femmes superficielles, qui ne rêvent que de confort petit-bourgeois, sont-elles traitées de Susanita, l'amie de Mafalda qui espère avoir beaucoup d'enfants d'un mari riche qui mourrait jeune ! Déclinée sur grand et petit écran, Mafalda a également sa statue dans le quartier de San Telmo face à l'immeuble où résidait Quino quand il l'a créée.

Umberto Eco pensait que lire Mafalda était indispensable à la compréhension de la société.


Mafalda ou le refus


Mafalda n'est pas seulement un nouveau personnage de bande dessinée des années 70. Si l'on a utilisé pour la définir l'adjectif de « contestataire », ce n'est pas pour s'aligner sur la mode de l'anticonformisme à tous crins. Mafalda est vraiment une héroïne « engagée » qui refuse le monde tel qu'il est.

L'univers de Mafalda est celui d'une Amérique latine dans ses zones urbaines et évoluées : mais c'est, de manière générale, un univers latin dans bien des aspects, et en cela Mafalda apparaît plus compréhensible que la plupart des personnages de la bande dessinée nord-américaine ; en tout cas, Mafalda est un « héros de notre temps », et ceci ne semble pas un qualificatif exagéré pour le petit personnage de papier et de bulles que Quino présente.

En Mafalda se reflètent les tendances d'une jeunesse inquiète sous la forme paradoxale d'une réprobation infantile, d'un eczéma psychologique de réaction aux mass media, d'une urticaire morale provoquée par la logique des blocs, d'un asthme intellectuel causé par le champignon atomique. Puisque nos fils vont devenir -de notre fait- autant de Mafalda, la plus élémentaire prudence veut que nous traitions Mafalda avec le respect dû à un personnage réel.

Umberto Eco

Magazine littéraire (février 1969)








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