Conte d'Orient


 

Mourad Bobo et le Khan

Il était une fois un pauvre homme qui s'appelait Mourad Bobo. Un jour qu'il labourait son champ, le soc de sa charrue s'enfonça dans le sol, se coinça et les bœufs s'arrêtèrent. Mourad regarda le sillon et vit une cruche enterrée. Elle était pleine de ducats. A ce spectacle, il se réjouit et se dit :

  • Le besoin ne viendra plus jamais attrister ma maison ! Adieu pour toujours, pauvreté !

Mais, en relevant la tête, il aperçut un des cavaliers de la garde du Khan qui passait par là et commença à trembler de crainte.

  • Et si le soldat a vu mon trésor et s'en va tout raconter au Khan ? Cela serait vraiment la pire des malchances, car le Khan trouverait mille accusations contre moi lui permettant de s'emparer de l'or. Il serait peut-être plus sage de tout dire aussitôt au garde.

Il appela donc le soldat et lui fit signe de revenir sur ses pas.

Le soldat tira sur ses rênes et fit retourner son cheval. Mais avant qu'il ne fût tout à côté, Mourad eut une idée.

  • Et si par hasard il n'avait rien vu ? pensa-t-il. Ne serais-je pas idiot de donner ainsi mon trésor sans lutte ? Je dois vite trouver quelque chose à lui dire.

Et il remit subrepticement de la terre sur la cruche et parla en ces termes au soldat qui s'approchait.

  • O membre très brave de la garde du Khan, j'ai acheté ce bœuf-ci pour trente pièces d'argent et celui-là pour quarante. Regarde-moi conduire l'attelage maintenant et dis-moi lequel est le meilleur.

  • Eh, l'homme ! Me prends-tu pour un marchand de bestiaux ? rugit le garde. N'as-tu pas d'yeux, que tu ne vois pas que je suis l'un des gardes du grand Khan ? Je vais donc te l'apprendre !

Il fit claquer son fouet sur le dos de Mourad, tourna son cheval et s'enfuit au galop.

Mourad, lui, continuait de réfléchir.

  • Et s'il a seulement fait semblant ? Il peut très bien avoir vu la cruche et compté les ducats. Non, cela ne va pas, je dois le rappeler et tenter de résoudre définitivement la question en l'interrogeant habilement.

Il fit signe de loin au soldat qui tourna bride, mais avant qu'il eût fait beaucoup de chemin, Mourad eût une autre idée.

  • Si le soldat avait vu cette cruche, il m'aurait sûrement questionné à son propos. Tout va bien, il ne sait rien. Seigneur, le voilà qui se rapproche ! Je dois vite trouver quelque chose.

Quand le soldat fut revenu tout près de lui, Mourad prit ainsi la parole :

  • O protecteur de la justice, voici un champ que j'ai labouré trois fois, et un autre que j'ai labouré quatre fois. Est-il convenable que j'ensemence le premier de pavots et le second de pois ?

Fou de colère, le soldat rugit d'une voix terrible :

  • Pourquoi devrais-je donc répondre à tes stupides questions, ô misérable ver de terre ? Me prends-tu pour un cul-terreux de ton espèce ? De ma vie je n'ai dû creuser la terre ou tenir une charrue ! J'appartiens à la garde du grand Khan.

Il donna un grand coup de fouet sur le dos de Mourad et repartit.

- Ca ne fait rien, se dit Mourad, demain j'irai porter mon trésor au grand Khan lui-même. C'est le mieux à faire.


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