Finalement qu'en est-il du mou de veau?


 

On le sait, il doit sa réputation à Raymond Roussel qui en 1909 écrivait :

« Les pieds de la statue reposaient sur un véhicule très simple, dont la plate-forme basse et les quatre roues étaient fabriquées avec d’autres baleines noires ingénieusement combinées. Deux rails étroits, faits d’une substance crue, rougeâtre et gélatineuse, qui n’était autre que du mou de veau, s’alignaient sur une surface de bois noirci et donnaient, par leur modelé sinon par leur couleur, l’illusion exacte d’une portion de voie ferrée ; c’est sur eux que s’adaptaient, sans les écraser, les quatre roues immobiles. » (Impressions d’Afrique, Chapitre I)

Dans « Comment j'ai écrit certains de mes livres », il explique : « quelques images, comme celle de la statue de l'ilote faite en baleines de corset, roulant sur des rails en mou de veau, c'est très simple. Baleine (mammifère marin) à îlot (petite île) ; 2° baleine (lamelle) à ilote (esclave spartiate) ; 1° duel (combat à deux) à accolade (deux adversaires se réconciliant après le duel et se donnant l’accolade sur le terrain) ; 2e duel (temps de verbe grec) à accolade (signe typographique) ; 1° mou (individu veule) à raille (ici je pensai à un collégien paresseux que ses camarades raillent pour son incapacité) ; 2° mou (substance culinaire) à rail (rail de chemin de fer). Ces trois derniers accouplements de mots m’ont donné la statue de l’ilote, faite en baleines de corset, roulant sur des rails en mou de veau et portant sur son socle une inscription relative au duel d’un verbe grec.

scène d'Impressions d'Afrique (Théâtre Antoine - 1912)

Quelle différence y a-t-il entre la description d'une statue roulant sur des rails en mou de veau et la description d'une étiquette d'eau d'Evian? Aucune, nous répond Michel Foucault.

Jean Cocteau, snob impénitent, consacre quelques lignes émues à Raymond Roussel, dont il fut l’ami, et, ajoute-t-il, l’admirateur ; il avoue cependant ne pas avoir bien compris Impressions d’Afrique ! Raymond Roussel, auquel il demanda des éclaircissements, lui aurait répondu qu’il en fournirait après sa mort.

Notons qu'un autre auteur, Théo Varlet, parle dans un roman du mou de veau. Il imagine que le monde est victime d'une contamination générée par de la poussière de météorite qu'une astronaute a ramenée sur la terre pour le plus grand bonheur (puis malheur) des scientifiques.

  • Mon mari s'est tout écorché à force de se gratter la nuit. Avant qu'il aille prendre son service au Métro, j'ai dû lui mettre de la poudre de talc comme aux petits enfants... Et sitôt qu'on allume, c'est une dégoûtation partout. Il pousse du mou de veau sur les lampes et sur les fils... Qu'est-ce que nous allons devenir ?

  • Faites comme moi, Madame Taquet ; n'allumez plus l'électricité, éclairez-vous au pétrole ou à la bougie ; vous verrez que votre mari n'aura plus de démangeaisons et qu'il ne poussera plus de mou de veau sur vos lampes.

(La Grande panne – 1930)

D'autres auteurs le mentionnent hâtivement :

Huysmans notamment, dans La Bièvre et Saint-Séverin (1898)

“Une fois par semaine, ces maisons apprêtent du mou de veau aux pommes.”



Quand j'étais enfant, mes parents m'envoyaient parfois chercher chez le boucher du mou pour le chat. Comme notre chat était âgé, je supposais que c'était parce qu'il n'avait plus de dents... En tout cas, depuis, je n'ai plus jamais entendu parlé de mou de veau, ou d'autre chose, que chez Raymond Roussel. Ce qu'on appelle le mou, en fait, c'est le poumon. Voici quelques témoignages trouvé sur internet :

 Le poumon de bœuf est immangeable... Celui de veau oui par contre:

Unknown19 septembre 2020 à 05:00

Dans mon enfance j'ai mangé du mou cuisiné car nous ne mangions pas souvent de la viande. Le boucher nous l'embalais dans du papier journal persuadé que c'était pour un animal. Je ne lui ai jamais dis ... aujourd'hui à 66 ans, je me porte très bien.


Anonyme
17 novembre 2020 à 07:58

Nos grands-parents et arrière-grands-parents en ont mangé pendant et après la guerre. Mais ils n'avaient pas tous ces ingrédients pour faire passer le goût et ce n'était pas pour faire un régime

Unknown23 avril 2021 à 00:11

Ici on adore le mou . Par contre il faut le laisser mijoter plus longtemps. L'aspect chewing gum est sûrement du à un manque de cuisson ...

Enfin terminons par une recette qui nous redonne le goût pour le mou :

mou de veau en civet

Ingrédients :mou de veau, lard, 2 oignons, un bouquet garni, une pointe d'ail, 3 cuillerées de farine, un litre de vin rouge et de fonds clair, 250 g de champignons, beurre, 250 g de petits oignons glacés sauce réduite, croûtons en pain de ménage.



Étapes

Battre le mou pour chasser l’air et le détailler en morceaux carrés de 50 grammes environ. Le faire revenir dans un sautoir avec du lard détaillé en gros dés et blanchi, deux oignons coupés en quartiers et un bouquet garni. Ajouter une pointe d’ail ; assaisonner. Lorsque le mou est bien revenu, le saupoudrer de trois cuillerées de farine ; faire roussir. Mouiller d’un litre de vin rouge et de fonds clair. Bien mélanger. Cuire au four pendant une heure et demie. Égoutter sur un tamis. Mettre les morceaux de mou dans un sautoir avec 250 grammes de champignons escalopés passés au beurre et 250 grammes de petits oignons glacés. Verser dessus la sauce réduite. Cuire, à couvert, pendant vingt-cinq minutes. Dresser en plat creux ou en timbale ; garnir de croûtons en pain de ménage dorés au beurre.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Jorge Ricci

Hororo