Ibrahim Al-Koni

 

Cent fois sa mère lui avait répété l'adage qui disait que le crépuscule était l'heure la plus traîtresse, qu'il n'y avait que les écervelés, les inconscients ou les fous pour s'endormir à cette heure-là, puisque le court laps de temps qui précédait le coucher du soleil était celui où les grands djinns sortaient de leur tanière, où les esprits malins erraient en quête d'humains pour leur faire des misères et où les portes de la nuit s'entrouvraient pour laisser passer le prince des ténèbres afin qu'il répandit sur la terre ses inépuisables maléfices qui n'effleurent jamais un être sans que la mort s'en saisisse.

Or c'était justement le moment qu'il avait choisi pour faire son maudit somme, même si, à vrai dire, ce n'était pas lui qui avait choisi le moment mais le moment qui l'avait choisi.

Le moment l'avait choisi dans le sens où des obstacles qu'il n'avait pas prévus s'étaient dressés sur sa route, telle que la fatigue qui l'avait brisé avant la fin du voyage, de sorte qu'il avait arrêté sa monture à l'ombre d'un arbre du désert le temps de reprendre son souffle et que, se faisant de sa paume un oreiller, il avait décidé de fermer ses paupières lourdes de poussière et de sommeil. Oui, il s'était fait de sa paume un oreiller au lieu de décharger son cheval et d'appuyer sa tête sur la selle comme il l'avait toujours fait au cours de ses tournées.

Or s'il avait négligé de le faire cette fois-ci, c'était parce que la fatigue l'avait empêché de débarrasser son cheval de son harnachement garni d'une panoplie d'amulettes bannisseuses de toutes les familles d'esprits, si bien qu'il n'avait eu que ce qu'il méritait !

Comme un appel du lointain



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