Le Chaâbi
Le chaâbi, l’héritage musical populaire de la Tunisie
Dans ses deux versions, urbaines et rurales, le chaâbi s’inscrit au plus profond de la mémoire, de la réalité et de la sensibilité collective de la société tunisienne. Ce style qui relève de la tradition musicale orale et de l’héritage musical populaire a cependant était l’objet d’une proscription pendant de longues décennies. C’était une période pendant laquelle les produits culturels étaient tributaires des orientations officielles où la musique tunisienne classique, dite aussi savante était plus soutenue et favorisée. Une stratégie politique a été alors adoptée et rigoureusement appliquée afin de catonner dans l’ombre la réalité artistique d’un style musical omniprésent.
D’autre part, le chaâbi a fait l'object de discriminations pendant longtemps de la part de l’intelligentsia artistique, une classe sociale qui considérait que de telles expressions musicales relèvent d’un art mineur, de sous-culture et de bas-fond, ne pouvant donc pas se hausser au niveau de la musique savante et aristocratique. Cette dépréciation est probablement liée aux conditions même de son évolution. En effet, ce répertoire avait quasiment une origine rurale. Il se caractérise par des structures modales, rythmiques et techniques spécifiques, avec des propriétés vocales/intonatives et prosodiques, ainsi que des figures poétiques qui lui sont inhérentes. Ces caractéristiques distinctives du genre ne sont pas familières à la couche soi-disant « civilisée » de la société tunisienne, pour qui ce style reste inacceptable, de bas niveau et ironique.
Plus tard, et suite à l'accentuation de l’exode rural des jeunes vers les grandes villes à la recherche d'emplois, le chaâbi commence à s’intégrer progressivement dans un mouvement de mutation vers l’environnement socio-artistique urbain. C’est dans les quartiers périphériques et insalubres de la capitale (et les grandes villes) que le chaâbi se trouve concentré. Dans ces lieux, réside une classe sociale misérable, de laquelle surgie une sous-culture de déviance et de marginalité. La réalité sociale et culturelle de ces groupements a largement influencé le fond et le contenu même de ce style musical. Il en résulte des chansons exprimant le malheur, le mal-être, le désespoir, entremêlée de figures de violence, de défiance de la loi et de la vengeance sur l’état.
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