Kim Sung'ok
Né
en 1941 au Japon, il retourne en Corée après la Libération en
1945. En Corée, il grandit dans la ville de Suncheon dans la
province de Jeolla du Sud.
En
1960, il étudie le français à l'université nationale de Séoul à
une période où les universités étaient le quartier général des
opposants au système. Pendant ses études universitaires, Kim
entreprend des activités de dessinateur pour un quotidien de Séoul
et publie son premier récit à l'âge de 19 ans, Exercice de vie
(Saenghwal yeonseup).
Durant
ses mêmes années, il fonde un journal étudiant et littéraire,
L'âge de la prose (Sanmun shidae), dans lequel quelques-unes de ses
premières nouvelles furent publiées. Kim a connu un succès
immédiat dès ses premières publications, succès qui dure jusqu'à
aujourd'hui.
Son
plus grand triomphe fut "Séoul, hiver 1964" (Seo-ul,
1964nyeon gyeo-ul) qui a obtenu le Prix Dong-in en 1965. En 1967,
l'un de ses récits, Voyage à Mujin (Mujin gihaeng), fut adapté au
cinéma avec le film Mist.
RECIT D'UN VOYAGE A MUJIN
Dans le bus qui nous conduisait à la ville, deux voyageurs discutaient.
Mujin n'a pour ainsi dire aucune spécialité, n'est-ce pas ?
Rien. C'est tout de même étrange que tant de personnes continuent à y vivre !
La mer est proche. On aurait pu y faire un port, non ?
Vous comprendrez quand vous aurez vu. Les conditions requises n'existent même pas. L'eau n'est pas assez profonde. Il faut faire au moins une quarantaine de kilomètres pour trouver quelque chose qui ressemble à une vraie mer avec un horizon.
C'est donc une bourgade agricole.
Il n'y a même pas de plaine adéquate.
Alors, de quoi vivent les cinquante mille habitants ?
C'est pour eux qu'on a inventé l'expression « de bric et de broc » !
Ils rirent discrètement.
Une région doit avoir sa spécialité, que diable ! s'écria l'un d'eux quand les rires eurent cessé.
Mujin n'est pas dépourvu de spécialité. Moi, je la connais. C'est le brouillard. Le matin, quand on met le nez dehors, le brouillard encercle Mujin comme des troupes ennemies qui auraient profité de la nuit pour avancer. Même les montagnes qui entourent la ville ont disparu, exilées par le brouillard dans un lieu invisible et lointain. Le brouillard est comme l'haleine des spectres de femmes qu'une rancune tenace ramène chaque nuit en ce bas monde. Avant que le soleil se lève et que le vent, changeant de direction, souffle de la mer, aucune force humaine ne peut le dissiper. Il est insaisissable, mais il a une existence bien réelle. Il enveloppe les humains et les sépare de ce qui est loin.
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