Dieu, suite et fin
Toute la sainte journée du dimanche Dieu n'était pas à prendre avec des pincettes. Il était à cran. Rien n'allait dans le monde. Les églises à moitié vides, les fidèles franchement infidèles à leurs conjoints, les curés n'en foutaient pas lourd à part les enfants de choeur. Je ne comprends pas, disait-il, avec le réchauffement climatique, les églises, toujours fraîches, devraient être bourrées comme les hosties dans un ciboire. Mais non, et puis ici et là, des déceptions... Un dictateur sympathique, adoré des prélats, perdait le pouvoir et voulait se réfugier au Vatican avec ses 72 maîtresses. Son opposant, un communiste athée drogué trotskyste homosexuel juif devenait chef de l'Etat et demandait au pape de ne plus venir baver sur le sol du pays. Putain de dimanche... Ce qu'il y a, pensait Dieu, c'est que l'homme n'est plus assez humble, implorant, éploré, modeste, timide, contrit. Il faut que je lui rabaisse son caquet, que je lui mette une bonne foi la tête dans son caca. Tu es poussière et tu retourneras poussière. Et moi, je suis le Grand Aspirateur, merde alors ! Ca le faisait un peu râler de refaire le coup des miracles, mais s'il fallait en passer par là pour que les peuples pissent dans leurs frocs... Mais alors quoi comme miracle, maintenant que la science explique tout ou presque ? Et puis, dans ce putain de brin de paradis, personne pour donner un conseil. Rien que des anges qui passent et qui repassent leurs aubes défraîchies. C'est vrai ça, j'ai personne avec qui discuter le bout de gras. Et voilà encore deux anges qui s'envoient en l'air ! Mais Bon Dieu, vous deux, là, vous allez faire un tour sur la Terre au lieu de vous voler dans les plumes ! Venez un peu ici. Et c'est comme ça qu'on se présente devant Dieu, mes cochons ? Le sexe des anges à la verticale ! Bon, bon, pas de baratin. Vous allez faire une apparition pour que les gens aient un peu plus peur de moi. Démerdez-vous ; faites-moi du gore, au besoin. Mais attention que ça reste visible pour les enfants. Planquez-moi tout ce fatras érectile. Il me faut du miracle à la sauce moutarde, si vous voyez ce que je veux dire. Quelque chose qui ne passe pas avec une gorgée d'eau bénite. Allez m'épouvanter la ménagère de cinquante ans.
Les deux anges sur le chemin terrestre se concertaient.
- Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir encore inventer ?
- Il faut revenir aux fondamentaux.
- T'à dire ?
- Aux récits bibliques. On n'a qu'à commencer par une Annonciation.
C'est ainsi que le plus masculin des deux se présenta à la porte d'un pavillon de banlieue.
- Bonjour Madame.
- Bonjour. C'est pourquoi. Je vous préviens tout de suite que je n'ai pas beaucoup de temps pour écouter des baratins qui ne me concernent pas souvent en plus, quand c'est pas toujours, pour ne pas dire jamais.
- Madame, vous allez enfanter.
- Quoi  enfanter?, je ne comprends pas. Enfin enfanter, c'est enfantin. Mettre au monde, si vous préférez, donner naissance, accoucher, procréer…
- Oui, bon, et alors ? Vous voulez me vendre des dragées ?
- Non, mais attendez. Vous n'allez pas donner naissance à n'importe qui.
- Ben, j'espère bien.
- Et ça rien à voir avec votre mari.
- C'est sympa pour lui. Je vais l'appeler. On va voir ce qu'il en pense. Robert !
- Oui... mais ça ce n'est pas prévu.
- Qu'est-ce qu'il y a, Jeannine ?
- Il y a un type qui dit que je vais attendre un enfant qui ne sera pas de toi.
- Ah ouais ? Ecoutez, il ne faut pas mal le prendre. Il s'agit d'une Annonciation avec un A majuscule. Vous avez entendu parler de Joseph. Ca lui est arrivé la même histoire : une Annonciation à sa femme. Et le petit Jésus, fils de Dieu, est venu au monde. Quand même, vous avouerez, ça a de la gueule !
- D'abord, t'es qui, toi, le freluquet ?
- Mais je suis un ange. Vous voyez bien : mes pieds ne touchent pas le sol.
- De toute façon, si je te fous mon poing sur la gueule, tu vas décoller, t'inquiète.
- Il faut se calmer. Tout ce que je peux vous dire c'est que Dieu est en rogne, alors vous avez intérêt à vous tenir à carreaux.
- Et moi, tout ce que je peux te dire, c'est que si mon mioche, il naît avec une auréole sur la tête, ma femme prendra une belle raclée. Bonsoir.
Le plus féminin des deux émissaires divins eut une autre idée. Il apparut dans le cloaque d'une grande ville en lévitation dans une rue animée en hurlant :
- Repentez-vous, pauvres gens, la fin du monde est proche ! Repentez-vous, la fin du monde c'est pour tout de suite !
Mais les passants passaient indifférents, levant à peine la tête. La semaine précédente, Superman était déjà intervenu quasiment de la même façon avec un discours semblable :
- Si vous ne voyez pas Superman 17, vous allez vous en repentir. Dépêchez-vous, la séance est proche, à 20h45.
  Tandis que pour la fin du monde, l'ange ne donnait aucun horaire. Une erreur de débutant. Il eût fallu préciser : La fin du monde, nouvelle version, épisode 32, à 21h30. Et puis aussi, donner une idée du prix d'entrée. Tout le monde n'a pas les moyens de mettre 12 euros dans une fin du monde. Dieu, énervé par le manque d'habileté de ses deux sbires, les chopa par les ailes et les claqua dans un clapier. Enfin, tout de même, je vais bien trouver dans ce paradis de mes deux un gus capable d'avoir une idée. Je demande pas la Lune, juste une idée. Tous les archanges plumitifs regardaient le bout de leurs stylos. Quand Dieu est en pétard, il vaut mieux faire celui qui ne sait rien, qui ne fait rien, qui ne dit rien. Bon, je vois le tableau. Je vais voir Lucifer. Quand il s'agit de foutre le bordel, il a parfois quelques bonnes trouvailles.

  Le diable était tranquillement en train de se chauffer au supplice de deux amants sodomites qui brûlaient dans de longs soupirs, ce qui alimentait encore le feu et Lucifer laissait faire. Dieu trouvait que le tableau avait un certain charme, même s'il ne pouvait politiquement en féliciter son auteur.
  - Bonjour, Satan.
- Ouais, sale temps pour les mouches enculeuses.
- Non, je disais... Peu importe. Je viens te rendre une petite visite de courtoisie, entre voisins.
- C'est ça, j'en parlerai à mon bouc.
- Non, sérieusement. On vit dans le même coin. On se dit à peine bonjour-bonsoir. Pourquoi ? Parce qu'on a eu, dans le temps, il y a quelques milliards d'années, une divergence, c'est un peu con, non ?
- Attends un peu. D'accord, la divergence, comme tu dis. Mais depuis t'as pas arrêté de me pisser dans les bottes. De faire en sorte qu'on me déconsidère.
-  Tu vas pas me dire que t'es susceptible quand même ?
- Bon, accouche Dieu, j'ai pas que ça à faire. Je voudrais juste une idée pour que les gens sur la Terre redeviennent un peu plus croyants. Ca a commencé avec ce Baudelaire, tu te souviens ?
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Enfer ou Ciel, qu'importe... Il ne faut pas déconner quand même. Mais aujourd'hui c'est pire : la plupart ne croient plus ni à dieu, ni à diable.
-  C'est un peu vrai. Je reçois des guignols aujourd'hui qui n'ont jamais entendu parler de l'enfer. C'est l'enfer pour leur expliquer le B.A. BA.
- Tu vois. J'ai pensé qu'un miracle leur en mettrait plein la vue, mais avec la technique aujourd'hui... A chaque fois que je leur envoie une bonne calamité, ils trouvent une explication scientifique.
- Et ta boutique à Lourdes ? Ca vivote. Et puis c'est pareil. Une guérison miraculeuse, aujourd'hui, il faut se lever de bonne heure. Les toubibs ont toujours une excuse. Ils disent que c'est une guérison inexpliquée pour les connaissances actuelles de la science.
-  Bon, je vais réfléchir. Et je t'enverrai le résultat de mes cogitations par SMS, Suppôt Maudit Satanique.
Et Dieu s'en retourna au paradis où il avait un pied-à-ciel. Le diable se creusa la tête au point d'y trouver une idée. Mais rien pour répondre à la préoccupation divine. L'idée qui lui était venue était simple au demeurant. Il lui vint à l'esprit qu'il faisait fausse route depuis des lustres. En effet, pourquoi torturait-il des gens qui s'étaient finalement donnés à lui ? Tous ces gens qui avaient fauté, tous ces faux dévots et ces vrais criminels n'avaient fait que suivre les conseils qu'il avait savamment distillés à leurs oreilles. Alors pourquoi les punir ? En réalité, ce sont les élus du paradis qu'il devrait poursuivre de ses feux ; ce serait la logique. Ce type-là, je l'ai tenté depuis des années, or il n'a jamais voulu m'écouter. Il n'a jamais trompé sa femme, jamais escroqué son patron, jamais battu ses enfants. C'est sur ce genre de gars que je dois passer mes nerfs. Et au contraire, le bon salaud des familles, je dois l'accueillir comme un frère, lui offrir une collation et le coucher douillettement. Dire qu'il a fallu des siècles pour que je comprenne ça ! Dieu m'a eu à l'intox. Et je me suis laissé faire. Bien sûr, si je traite le mal par le mal, je ne fais que du bien ! Moi, faire le bien !!! Je suis un peu moins intelligent que le Créateur, c'est normal. Je comprends tout avec un décalage de quelques milliers d'années. Mais on va rectifier le tir dès mon prochain client.
Justement arrivait un homme au visage émacié sur lequel on pouvait lire l'inquiétude à plusieurs lieux à la ronde.
-  Alors, mon gars, je te souhaite la bienvenue en enfer.
- Oui... C'est d'une ironie cruelle…
-  Pas du tout. Pas du tout. Tu prendras bien un drinkula ? Tu vas voir, c'est un peu fort, mais on s'y fait vite.
- Avec plaisir. Pour me donner du courage…
- Tu n'as plus besoin d'aucun courage. Décontracte-toi. Ici, c'est cool. Tu n'es pas un de ces culs serrés qui hantent le paradis
-. Oui, mais je vais déguster, je crois bien et ça va durer…
-Déguster ton drink. Et pense à te reposer, à t'amuser, à baiser... Au fait, que nous vaut le plaisir de ta visite ?
- Grivèleries en série, attaques à main armée, quelques bavures sur des passants…
- Ouais, bon, ce n'est pas si bien.
- Non, mais c'est chargé quand même…
- Alors qu'est-ce qui te faisait tant plaisir sur Terre ?
- Voler, escroquer.
- Bon, ici, il n'y a rien à voler, mais tu pourras toujours faire les poches des exhibitionnistes. Tu sais, ils ont toujours ces grands imperméables qu'ils ouvrent grand dès qu'ils aperçoivent un mineur.
- Mais... je m'excuse de demander ça... Le châtiment... Je m'étais laissé dire qu'on brûle en enfer.
- Eh bien justement, laisse dire.
Et le diable le laissa à sa consommation après l'avoir reçu avec une certaine chaleur, mais c'était une chaleur conviviale et très supportable. Lucifer alla traîner ses guêtres dans la banlieue du paradis. Là, grouillaient les gagne-petit du ciel. Ceux qui s'étaient confessé au bon moment, avaient communié les yeux baissés, et à qui on ne pouvait reprocher que des broutilles. Ils n'avaient végété au Purgatoire que le temps d'un week-end et ils se retrouvaient un peu loin du Bon Dieu et de ses saints, mais tout de même au Paradis. Tranquilles, ils avaient un petit jardin pour se distraire un peu. Le reste du temps, ils rêvassaient en pensant au temps où ils rêvaient d'aller au Paradis. Dès l'aube, on les voyait marcher en aube, parfois tout nu, et certains même en squelette s'il ne faisait pas trop froid. Dieu venait les visiter quand c'était sa tournée. Il leur offrait des œufs en chocolat et des sodas à l'orange. Pas d'alcool au paradis. C'est comme ça. Même pas de café. Pas d'excitant. Alors, il faut toujours se mettre en tête qu'on est au paradis et c'est déjà le maximum de jouissance possible pour un humain. On n'a plus besoin d'autre chose. Normalement. Le diable alla trouver le Dieu et lui tint à peu près ce langage :
- Je viens de penser à un truc.
- Ah, tu as trouvé une idée pour qu'on se fasse respecter enfin sur la Terre ?
- Non, pas encore. Mais je pense qu'on se goure un peu depuis le début.
- On se goure ?!
- Oui enfin. Je reçois des amis que je suis censé torturer jusqu'à la fin des siècles. Et même après. Oui, et même après. Bon, et ça ne te paraît pas bizarre ?
- Non, c'est toujours comme ça qu'on a fait.
- Eh bien, moi, je ne vois pas pourquoi j'irai torturer éternellement un type que j'ai à la bonne. C'est les gars de chez toi, que j'ai bien envie de faire brûler à petits feux.
- Oh la la la. Une nouvelle rébellion des anges maudits? Tu sais comment ça s'est terminé la dernière fois? On vous a arraché les plumes sans vous tremper dans l'eau chaude pour que ça fasse plus mal. A froid, brrr, j'en ai des frissons rien que d'y penser.
-  Je ne suis pas venu pour rallumer la guerre des étoiles, je veux simplement organiser mon enfer comme je le désire. Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés.
- Oui, oui, je te vois venir. Monsieur va organiser son enfer avec des soirées excitantes avec boissons alcoolisés, drogues et gonzesses, et moi je vais me retrouver avec un paradis gnan-gran et cul-cul-la-praline, où on se fait suer comme des rats morts. Alors que c'est tout le contraire de mes intentions du moment. Il me faut de la terreur, des angoisses, des cauchemars. Je veux qu'à leurs derniers moments, les hommes et les femmes soient tétanisés par des sueurs froides qui les plongent dans les affres de la noire Melancholia médiévale.
-  Tu n'as qu'à durcir ton purgatoire. C'est devenu un coin un peu snob, où les moustiques s'excusent presque avant de piquer pas trop fort, où les fourmis ne grimpent pas au-dessus des genoux, où les corbeaux chantent des ave maria au lieu de vous croasser dans les oreilles, et où il suffit de lécher le cul d'un archange bien placé pour se tirer de là avec juste une fouettée d'orties.
- Je vois que tu es bien renseigné. Mais tu ne sais toujours pas réfléchir. Si je durcis, comme tu dis, le régime du Purgatoire, que va-t-il se passer à ton avis? Hein? Eh bien, les humains vont multiplier les conneries pour éviter d'y aller et ils vont se presser en foule vers ton enfer et damnation, où ils pourront se rouler dans le stupre et la fornication perpétuelle.
-  Ben oui.
- Ben non! Je veux pas, moi!
- Ecoute un peu, mon vieux Dieu. Tu as eu des siècles et même des millénaires pour organiser le cosmos. Or, il se trouve que rien ne va, ni sur la Terre, ni au Ciel. Faudrait peut-être tu te remettes un peu cause, non? Il n'y a pas de honte à passer la main. Tu as un fils, qui va finir comme Charles en Angleterre, parce que sa mère n'en finit pas de régner, et qui doit se contenter d'inaugurer des hospices de vieillards qui lui disent tous : "Bienvenu au club!" Tu as un Saint-Esprit, dont on se demande à quoi il peut servir à part faire des tours de magie pour enfants de trois ans. Moi, quand je n'ai pas la patate, je demande à Belzébuth s'il ne veut pas prendre le relais. Le samedi, c'est Satan qui s'y colle et s'il y a vraiment surcharge de travail, on appelle même Méphistophélés. Mais lui, c'est un artiste, on ne peut pas trop lui demander... Enfin les sept princes de l'Enfer sont mis à contribution. Hé Dieu, il faut jouer collectif !
- Bon, je ne suis pas venu ici pour prendre des leçons de managering. Bonsoir.
  Dieu s'en retourna dans son élégant paradis avec les idées de plus en plus embrouillées. C'est vrai que lui le Tout-Puissant, il n'avait pas vu venir Internet, ni les opérations à cœur ouvert, ni les imprimantes 3D, ni la découverte de l'ADN, tout ce qui donnait un bon coup de vieux à ses miracles. Il n'avait pas non plus anticipé la datation au carbone des objets, qui avait éliminé en un clin d'oeil des tas de supercheries religieuses. Pour comble de tout, un dieu se trouvait maintenant à Barcelone et s'appelait Lionel Messi, qui recueillait chaque semaine plus de cent mille fidèles dans son église du Nou Camp, et des millions de téléspectateurs. Mais vous connaissez Dieu, ce n'est pas le gars à se laisser abattre. Déjà certains philosophes avaient écrit au XIXéme siècle : « Dieu est mort ». Mais Nietzsche avait ajouté : « Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? » Comme quoi, les hommes n'étaient pas si sûrs que ça d'avoir eu sa peau. En tout cas, ils tremblaient un peu. Seulement deux siècles plus tard, plus personne ne tremble à part les bigots parkinsoniens. C'est précisément ce qui hante Dieu, le fait que les hommes n'ont plus peur. Si je pouvais leur raconter que c'est Moi qui ai inventé le Sida, je me ferais détester, oui, détesté, mais craint ! Mais on ne va jamais me croire. Au Moyen-Age, c'était plus simple : une bonne peste et tout le monde y sentait le doigt de Dieu, une bonne lèpre et on y voyait aussitôt mon ongle qui grattait sadiquement les plaies. Aujourd'hui, il peut y avoir les pires calamités, on va juste me prier un peu parce qu'on a eu chaud au cul. Un tremblement de terre pourtant, c'est absolument imprévisible et dévastateur, comme moi. Eh bien, on va chercher l'effet des plaques tectoniques... Etre Dieu aujourd'hui... C'est un peu le parcours du chômeur... Eh oui, il faut aller pointer chaque semaine à l'église. Sinon, le reste du temps, on ne reçoit que des réponses négatives, comme quoi on n'a pas vraiment besoin de vous. Mais on touche un petit pécule régulièrement -le denier du culte- pour continuer à vivoter. Vivement la retraite !

Bien sûr, Dieu conserve quelques adeptes fanatiques qui s'enthousiasment à l'idée que -bon Dieu de bon Dieu !- Dieu est sacrément bien conservé. Ce sont des êtres qui viennent juste d'admettre du bout des lèvres que la Terre tourne autour du Soleil, alors que ce n'est pas écrit comme ça dans la Bible. Mais quant à la femme, rien à faire ! Elle accouchera dans la douleur, un point c'est tout. C'est écrit noir sur blanc. En fait, Dieu n'a qu'une seule crainte, c'est qu'un jour, on lise réellement ce qui est écrit dans la bible. La plupart du temps, on a l'impression que c'est l'oeuvre d'un humoriste. Ne serait-ce que le début de la création. Bon, alors Adam et Eve ont mangé la pomme. Dieu se pointe en se frottant les mains : « Alors, j'ai trois coupables à châtier. Quel pied ! Toi, l'homme, désormais tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. (Avant le pain arrivait tout seul, mais s'il était trop cuit, on n'avait pas le droit de se plaindre.) Toi, la femme, désormais tu enfanteras dans la douleur et tu serais soumise à l'homme. (Normal. D'ailleurs dans la bible, la femme est à peine au-dessus du chameau.) Quant à toi, le serpent, désormais tu ramperas. » Ah ouais ? Alors comment il se déplaçait avant le serpent ?!!! Franchement, celui qui a écrit ça, il n'a même pas pris la peine de se relire. On trouve aussi ce joli petit poème en prose : Si une femme sépare deux hommes qui se battent en en saisissant un par son membre viril, elle aura la main tranchée. Enfin, les exégètes se débrouillent toujours en expliquant que ce sont des problèmes de traduction. On peut faire dire ce qu'on veut quand on veut à qui l'on veut. Bref, ce qui est écrit dans la Bible ne veut pas dire ce qui est écrit dans la Bible. Et d'abord, pour comprendre, il faut être docteur en théologie, 42ème année. Mais la grande concurrence des divinités avait repris avec une vigueur inégalée. Bouddha, assez bonhomme, n'était pas le plus virulent, mais Allah commençait à faire suer et pas seulement le burnous. Le problème avec lui, c'est qu'on ne pouvait pas le représenter. Autant Dieu était content de se voir peint et repeint sur son canapé de nuages, autant Allah détestait qu'on fasse son portrait. Une photo de lui serait parue dans Closer qu'il aurait attaqué le magazine avec toute la violence qu'on lui connaît. Personne n'avait jamais vu son visage. Dans certains cercles, on laissait entendre qu'il était très laid et que c'était la seule raison de cette virulente interdiction de son image. Mais les adeptes les plus obstinés (et il n'en manquait pas) disait au contraire qu'il était tellement beau que s'il paraissait les hommes auraient tous les yeux crevés tellement que c'était d'une beauté qu'on ne peut pas imaginer même en rêve. Bref, les relations avec Allah s'étaient rapidement dégradées au cours des siècles :
- Tu commences à nous casser les burnes. Alors comme ça, le Coran est le « livre qui ne doit pas être mis en doute" ?
  - Il a été révélé à Mahomet sous la dictée d'Allah lui-même.
- Ah oui ? Eh alors ? Ce ne serait pas la première fois que quelqu'un ferait une faute dans une dictée... - Et ton Jésus, une vraie pleureuse, celui-là. Et j'ai bobo à ma tête avec la couronne d'épine, et j'ai bobo à mes mains à cause des clous, et patati, et patata... Alors que c'est bidon. S'il est Dieu, il n'a rien senti. Moi, tu peux m'écraser les pieds, je ne m'en rends même pas compte.
- J'ai appris que Mahomet avait une épouse âgée de neuf ans. Il les prend au berceau.
- C'est pas toi avec tous tes curés abuseurs d'enfants de chœur qui va me donner des leçons ?!!! Merde alors !
Bref, on sentait bien que Dieu et Allah n'iraient pas passer leurs vacances ensembles. Mais Dieu avait d'autres soucis. L'Enfer devenait un séjour des plus agréables et reposants, et ça commençait à se savoir. Il fallait trouver la parade. Le pape fut convoqué et on lui demanda de sortir une nouvelle encyclique dans laquelle finalement on dirait que l'enfer n'existe pas, que c'était une image, une façon de parler. Voilà, voilà... Comme ça, on coupait l'herbe roussie sous le pied fourchu du diable. Mais que quand même il faut continuer à bien se tenir pour aller au ciel. Ce n'est pas parce qu'il n'y avait plus d'enfer qu'on allait au paradis directement. Oui, mais alors, on allait où si on ne méritait pas le ciel ? A demandé le pape. Bonne question, et je vous remercie de l'avoir posée. Où ? Où ? Oui où ? Mais ça, ce n'est pas leurs oignons. On trouvera bien un endroit, ce n'est pas la place qui manque dans l'éternité. Ce ne sont tout de même pas les hommes qui vont m'interroger, comme ils asticotent un vulgaire ministre de l'écologie devant la fonte des icebergs. Je fais ce que je veux, ça prendra le temps que ça prendra, il faut donner du temps au temps, gaudeamus igitur iuvenes dum sumus... Comment ? Ah ouais, maintenant que j'ai un pape bulgare, il ne comprend plus le latin. Ca veut dire : « Profitons-en alors que nous sommes encore jeunes ». A 92 ans, le pape ne se sentait plus si jeune, mais il obtempéra. L'encyclique fut écrite en un tour de main par un nègre pontifical et elle se répandit comme une cargaison de sauterelles. Evidemment, les plus archaïques des fidèles, grenouilles et crapauds de bénitier, ne voulurent pas en entendre les premiers mots. Comment ça ? Il n'y a plus d'enfer !!! Mais c'est ce qu'on va voir !!! Et ils se proposèrent de transplanter l'enfer sur la terre. Avec quelques sponsors bien inspirés, il recréèrent le lieu de damnation. Mais ils ne récupérèrent que les adeptes irrécupérables du masochisme. Ils ne décoléraient pas : comment ça ! Plus d'enfer ! A la prochaine encyclique, on va nous annoncer que le paradis, c'était un attrape-gogo ? Le paradis n'a de sens que s'il y a un enfer. Qu'est-ce que le bien sans le mal, Roméo sans Juliette, Laurel sans Hardy, Tintin sans Milou, Macron sans Benalla ?Je l'avais bien dit. Il ne fallait pas renoncer à croire au Père Noël : c'était une grave erreur. Bien sûr, il avait grossi et il ne passait plus par le trou de la cheminée. Mais il suffisait d'en prendre un du Sahel ou d'Ethiopie ; il n'aurait même pas raclé les parois du conduit et le tour était joué. Maintenant tout s'écroule, même le firmament. Bien sûr, Dieu ayant déclaré que l'Enfer n'existait plus, il était évident que Satan lui garderait un chien de sa chienne. D'accord Dieu, tu as voulu jouer au plus malin avec le Malin, eh bien je t'annonce que tu seras bientôt en cessation d'activités avec faillite frauduleuse par-dessus le marché.
Eh oui, tout s'écroule. Et j'entendais l'autre jour dans un bistrot ce commentaire avisé : il y a rien au paradis, rien du tout. C'est comme la Lune. Ce serait sur terre, on n'irait même pas voir.

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