Alfonsina Storni

Dans l'introduction du poème “Flor en una mano” Alfonsina Storni explique sa vision fantasmatique de l'idée « florpoesía » : “La main du poète coupe la fleur d'un laurier-rose. Rien de plus. La fleur repose entre les doigts et va y mourir sans se plaindre. Rien de plus“ Il est intéressante d'observer la relation entre ce poème et une parabole citée par Gabriela Mistral :
Qu'est-ce que vous croyez, qu'une plante est ainsi posée comme un caillou ou un bout de bois à la surface du sol ? Le rosier le plus sophistiqué est lié à la terre par un réseau de racines, radicelles et duvets. Couper la rose en totalité, la créature complète, signifie donc une substance aussi importante que toute la Terre elle-même. Il n'y a aucune chance que cela lui plaise. Puisqu'on coupe exactement là où la rose commence.
Ici la poétesse coupe la fleur, son alter ego, pour la voir mourir dans sa main “sepulcro de sus horas”. Elle se voit dans la fleur de laurier-rose et se dédouble : une partie d'elle-même est la flor défaillante qui va mourir et l'autre partie d'elle-même est la main voleuse “presta a la rapiña”. Toute une transgression...

Fleur dans une main
Elle aussi ouvrait ses pétales de soie
qui étaient cinq. Son rose si imposant
reposait tendrement entre les doigts
comme plongé dans un rêve profond.

Lui faisaient de l'ombre les petits plis
de la main, tombeau de ses jours,
et tel une corne une pétale s'élevait
au-dessus de tous les autres résignées.

Que leurs pâles profils se ressemblent !
Celle-ci, sans ossements, docile au vent,
livrait sa tête sur les chemins.

Et celle-là, avec ses ongles, prête pour la rapine,
marquée du sceau de Satan et instruite
dans l'art ancestral des noires saveurs.

Gabriela Mistral et Alfonsina Storni

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