Victoria Ocampo

 

Photo prise par Man Ray, actuellement au Centre Pompidou

Victoria Ocampo (1890-1979) fut femme de lettres et mécène. Née dans un milieu aristocratique pour qui « l'histoire de l'Argentine est une histoire de famille », elle est l'aînée de cinq sœurs dont la cadette est Silvina, la véritable écrivaine de la famille, poétesse mariée à l'écrivain Bioy Casares.

« Admirable protectrice des arts », selon Marguerite Yourcenar, Victoria Ocampo dilapida sa fortune au service de la littérature et des intellectuels, finançant par exemple incognito les premières conférences de Borges.

Femme moderne par excellence, elle fume en public, porte des pantalons et est la première Argentine à passer son permis de conduire. Elle s'oppose farouchement au péronisme, ce qui lui vaut vingt-six jours de prison en 1953. Elle a combattu le fascisme et le nazisme et elle fut d'ailleurs la seule femme latino-américaine à assister au procès de Nuremberg.

Avec la création de la revue littéraire Sur en 1931, Victoria Ocampo passe à la postérité. C'est un pont culturel entre les Amériques et l'Europe. Elle dirigera la revue jusqu'en 1966.


L'équipe de Sur en 1971 : on reconnaît Victoria Ocampo debout derrière Borges, aux côtés de Silvina Ocampo et son mari Bioy Casares.

Le nom de la revue a été choisi par téléphone, à travers l'océan. Comme s'il fallait toute l'eau de l'Atlantique pour son baptême... Nous avions plusieurs noms en tête, mais nous ne parvenions pas à nous mettre d'accord. J'ai donc téléphoné à Ortega y Gasset en Espagne. Ces gens-là ont l'habitude de nous baptiser... Et de fait, Ortega n'a pas hésité et, parmi les noms cités, il a immédiatement ressenti une préférence : Sur, criait-il depuis Madrid.

Je suis revenue de ma pêche téléphonique avec ce nom-là et nous l'avons épinglé sur la couverture de la revue avec une flèche.

Que sera Sur ? Waldo, entendez-moi bien, cette revue est la vôtre et celle de tous ceux qui m'entourent et m'entoureront à l'avenir. De ceux qui sont venus en Amérique, de ceux qui pensent en Amérique et de ceux qui sont d'Amérique. Ce que votre Amérique crie d'une voix stridente n'est peut-être pas exactement ce que crie la mienne, mais cela suscite notre haine pour les mêmes raisons.

Notre Amérique est un pays à découvrir et rien ne nous incite plus à la découverte, rien ne nous met plus sûrement sur la piste de notre vérité que la présence, l'intérêt et la curiosité, les réactions de nos amis européens.

Ce que nous pouvons déjà affirmer de l'Amérique, c'est que nous en sommes étrangement amoureux. Et cet amour, comme tout grand amour, est une preuve. Cet amour est dirigé vers ce qui nous dépasse et prend son origine dans ce qui nous dépasse. En être conscient, souffrir pour cela, est salutaire.

Lettre à Waldo Frank

revue Sur (été 1931)





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