Jorge Luis Borges

 


Ce poème est l'évocation du second retour de Borges à Buenos Aires et des nouvelles retrouvailles avec la ville d'autrefois.


Le retour à Buenos Aires


A nouveau autour de moi la ville en faubourgs dispersés comme un étendard gironné.

A nouveau les étoiles souffrent à la portée des yeux et ds caresses comme dans la proximité d'une amoureuse main.

Sa limpide insomnie sur la douceur des patios et les farouches clôtures agrestes.

Dans mes regards le souvenir du ciel immense et de la mer ; dans mes oreilles le fracas de farouches vocables.

Et la nuit si esseulée comme mon cœur sans attaches.

L'inefficace incantation de mes vers s'est tue comme l'oubli.

C'est là que j'ai trouvé les mots de mon sort fortuné, volubiles et pétillants comme des enseignes légères.

Dédaignant la claire solitude, l'esprit est aussi avide que la chair.

L'âme emmêlée dans ses espérances comme la main droite d'un homme dans la chevelure d'une femme.

Et toi, ville d'antan, se lamente aujourd'hui ma solitude quémandeuse.

Un silence ardent tressaille où généreusement j'espérais.

Les baisers sont étrangers à ma chair et le vent seul étreint mon torse.

Mon ombre même est sans amour.

Je t'ai célébrée, ma patrie, dans toutes mes paroles et tu me vois aussi isolé que le vent.

Peut-être ai-je été abandonné de tous pour que mon amour ne soit qu'à toi.

Vision de rues endolories : mon Buenos Aire, ma contemplation, mon errance.


traduction de Jean-Pierre Bernès


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