"Plumes" de Omar El Zohairy

 


Dans son premier long métrage, Grand prix de la Semaine de la critique à Cannes 2021, le réalisateur égyptien raconte l’émancipation d’une mère quand son mari se transforme en poule. Rencontre avec un cinéaste prometteur, à la fantaisie mordante.

Omar El Zohairy a grandi dans les années 1990, au rythme d’un événement quotidien et fondateur : chaque midi, il courait aussi vite qu’il le pouvait dans les rues poussiéreuses du Caire pour ne jamais rien rater du téléfilm égyptien diffusé sur l’une des chaînes nationales, du générique jusqu’aux crédits qu’il scrutait dans le détail. « J’ai su très tôt que je voulais faire partie de ce monde. Petit, déjà, je dessinais et peignais tout ce que je lisais ou apprenais à l’école… Exactement comme on le fait au cinéma pour expliquer visuellement et mettre en scène une histoire ! » Après deux courts métrages, Breathe Out et La Suite de l’inauguration des toilettes publiques au kilomètre 375, son premier long métrage, Plumes, primé lors de la Semaine de la critique au festival de Cannes 2021, est à découvrir en salles depuis le 23 mars.



Rencontre avec le réalisateur de ce film kafkaïen et singulier.

Dans Plumes, un tour de magie tourne mal et un père se retrouve transformé en poule lors de la fête d’anniversaire de son fils. La mère, dévouée et effacée, n’a d’autre choix que de devenir combative et d’affronter un monde en proie à la corruption et à la violence…
Cette histoire a germé en moi dans mon enfance et m’a longtemps obsédé. J’ai grandi avec des parents séparés car mon père était parti vivre aux États-Unis, séduit par le rêve américain. C’était un homme passif, qui refusait la plupart du temps d’affronter la réalité et qui ne croyait pas en lui. Il est mort dans la pauvreté, acculé par la pression du capitalisme. Le personnage principal de mon film, la mère de famille, est très proche du caractère de mon père. Personne ne se soucie jamais de ces gens, on ne les remarque pas dans la rue, au même titre qu’une plume tombée sur un trottoir. Mais si on s’arrête pour observer une de ces personnes de plus près, on découvre qu’elle concentre de la douceur et une infinie beauté… comme mes personnages. La mère de famille n’a rien d’une héroïne, d’ailleurs on rit d’elle au début, puis, au fur et à mesure, on se sent de plus en plus proche d’elle.

Au point que le spectateur excuserait presque la décision qu’elle prend et qui scelle la fin du film…
C’est exactement ce que je souhaitais. La mère de toute façon n’a pas d’autre option si elle veut survivre avec ses enfants. Mon but était de créer un drame absurde, humoristique et dérangeant, que le spectateur rie de frustration et se sente ensuite coupable d’avoir ri. J’ai alors construit chaque scène de façon à ce qu’elle soit drôle, effrayante, ou les deux, comme le moment où un homme chante son amour pour cette mère de famille dans une voiture. J’aime avoir recours à l’imprévu et injecter de l’humour ou de la violence là où on ne les attend pas, pour forcer la réflexion et ouvrir davantage le cœur et l’esprit du spectateur.




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