Edmond Jabès

 

Edmond Jabès est né au Caire le 16 avril 1912 dans une famille de la bourgeoisie juive francophone, installée en Égypte depuis plusieurs générations. Marqué dans sa jeunesse par la disparition prématurée de sa sœur, il publie dès 1929 diverses plaquettes de poésie et fonde avec Georges Henein les éditions à orientation surréaliste La Part du sable. Il se lie d'amitié avec Albert Cossery et Andrée Chédid, deux compatriotes au destin similaire.

En 1935, il rencontre Max Jacob, avec qui il entretient une correspondance éditée en 1945 par René Etiemble. Puis il se rapproche de Paul Éluard qui fait connaître ses premières œuvres. Au fil des années, il se lie avec André Gide, Henri Michaux, Philippe Soupault, Roger Caillois et, après son arrivée en France, avec Michel Leiris, Paul Celan, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, Michel de Certeau, Jean Starobinski, Yves Bonnefoy et Emmanuel Levinas.

Edmond Jabès a noué des complicités avec plusieurs artistes comme le musicien Luigi Nono, le peintre Zoran Mušič ou le sculpteur Goudji. Il a publié des livres en étroite collaboration avec des peintres tels qu'Antoni Tapiès ou Olivier Debré.

Marqué au plus vif par l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, il collabore, à partir de 1945, à plusieurs revues dont La Nouvelle Revue française. Il est amené à quitter son Égypte natale en 1956 lors de la crise du canal de Suez, en raison de ses origines juives. Cette expérience douloureuse du déracinement devient fondamentale pour son œuvre, marquée par une méditation personnelle sur l'exil, le silence de Dieu et l’identité juive, qu’il dit n’avoir découvert qu’à l’occasion de son départ forcé. Il s’installe alors à Paris, où il demeure jusqu’à sa mort.

Naturalisé français en 1967, il a été lauréat de nombreux prix parmi lesquels le Prix des Critiques en 1970. En 1982, il a obtenu le Prix Francine et Antoine Bernheim des Arts, des Lettres et des Sciences de la Fondation du judaïsme français. Sollicité par diverses universités de par le monde, il a souvent été invité à prononcer des conférences ou à prendre part à des colloques à l'étranger, notamment aux États-Unis, en Israël, en Italie et en Espagne.

Il meurt le 2 janvier 1991. Il est incinéré le 8 janvier. Ses cendres ont été déposées dans la case du columbarium du cimetière du Père-Lachaise.

Edmond Jabès a publié, entre autres, Je bâtis ma demeure (1959), préfacé par Gabriel Bounoure, un recueil qui couvre les années 1943-1957, salué à sa sortie par des voix aussi dissemblables et fraternelles que celles de Jules Supervielle, Gaston Bachelard ou Albert Camus.

L'œuvre d'Edmond Jabès a marqué de façon durable l'œuvre et la pensée d'écrivains comme Maurice Blanchot ou Jacques Derrida.


L’eau

Avant, il y a l’eau.

Après, il y a l’eau ;

durant, toujours durant.

- L’eau du lac ?

- L’eau de la rivière ?

- L’eau de la mer ?

Jamais l’eau sur l’eau.

Jamais l’eau pour l’eau ;

mais l’eau où il n’y a plus d’eau ;

mais l’eau dans la mémoire morte de l’eau.

Vivre dans la mort vive

entre le souvenir et l’oubli de l’eau,

entre

la soif et la soif.

L’eau entre

Cérémonie.

L’eau s’installe

et coule :

Fertilité.

Toujours l’eau pour l’eau.

Toujours l’eau sur l’eau.

Abondance.

- Le désert fut ma terre.

Le désert est mon voyage, mon errance.

Toujours entre deux horizons ;

entre horizon et

appels d’horizons.

Outre-frontière.

Le sable brille comme l’eau

dans la soif inextinguible.

Tourment que la nuit endort.

Nos pas font gicler la soif.

Absence.

- L’eau du lac ?

- L’eau de la rivière ?

- L’eau de la mer ?

Viendra, bientôt, la pluie

pour laver l’âme des morts.

Laissez passer les ombres brûlées,

les matins aux arbres sacrifiés.

Fumée. Fumée.



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