Naguib Mahfouz

 

En 1945, les espoirs, une fois de plus, sont déçus. L'Angleterre, un moment près de perdre sa puissance, a gagné la guerre. Elle continue donc de régenter de fait le pays, appuyée sur la minorité turque. Une nouvelle étape commence, tant pour l'Egypte que pour Naguib Mahfouz.

Celui-ci revient dans de longs romans au réalisme moralisateur de ses premiers contes. A défaut d'épopée antique, c'est quand même une fresque de la vie du peuple égyptien qu'il entreprend de peindre sans complaisance, mais non sans tendresse et pitié. Petit peuple des quartiers pauvres, bourgeois plus ou moins cossus, intellectuels de toutes tendances, des communistes aux opportunistes, ou aux Frères Musulmans, les vies se mêlent ou divergent selon qu'elles suivent la vois de la tradition ou celle du modernisme.

Le roman est l'expression d'une désillusion, par quoi il se distingue de la série « pharaonique ». Ses personnages ne sont plus figés en Bons et Méchants. Ce sont de pauvres gens dont la vie, supportée avec courage et avec un humour bon enfant, fait frémir d'horreur et de pitié. C'est la jolie fille ambitieuse, séduite par un galant vêtu à l'occidental, entraînée vers les quartiers « modernes », qui abandonne son fidèle fiancé et finit dans la prostitution. C'est la veuve quinquagénaire qui, pour se marier, se teint les cheveux et se fait arracher les dents – remplacées par un dentier en or. C'est la marieuse zélée à l'affût, c'est le pilleur de tombes qui dépouille les cadavres de leurs dents, c'est le faiseur d'infirmes qui facilite la vie aux mendiants en les amputant d'un membre ou en leur crevant les yeux, ce sont les truands, descendus au fond de la misère humaine, et qui, n'ayant plus rien à perdre, ont toujours quelque chose à gagner en toute circonstance.


Nada Tomiche

Histoire de la littérature romanesque

de l'Egypte moderne


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