Liébacha : délire et justice

 


« Les habitants de Choa ont un procédé fort original pour faciliter le cours de la justice en matière de vol. Des enfants sont dressés mystérieusement à certaines pratiques. On les nomme « liébacha » - je pense que l'étymologie est « lieba », voleur, et « bacha », chef, commandant-. Quand le coupable échappe aux recherches, la victime recourt au liébacha dont la mission est de découvrir les voleurs inconnus ; sa décision est sans appel. Pendant deux ou trois jours, délai ordinaire des recherches, le volé nourri le liébacha et sa suite. On fait absorber à ce jeune sorcier un breuvage qui paraît l'enivrer. Tout à coup, il parcourt la maison, bousculant ce qui tombe sous sa main ; s'il ne trouve pas le voleur dans l'assistance, il pénètre dans les habitations voisines et les fouille dans tous les sens. Subitement il s'arrête et se couche : c'est le lit du voleur ! Ainsi désigné à la vindicte publique et privée, le voleur est appréhendé et livré aux juges.

Le liébacha n'est pas toujours heureux dans ses investigations ; souvent il renonce à la poursuite ; c'est fort honnête de sa part car ses dénonciations ne sont jamais contestées. »

Ainsi Jules Borelli décrivait-il à Entotto en 1886 cette curieuse pratique judiciaire. Il arrivait aussi que le liébacha désigne le coupable de façon plus marquante encore en crachant sur lui une partie du breuvage qu'il conservait dans sa bouche.

Le recours au liébacha fut interdit en 1920 par le ras Tafari, futur empereur Haïlé Sélassié.


Constantin Kaïtéris



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