Kamam Ben Hameda

 

Quand mon père disparaissait après avoir fait sa sieste, ma mère, si elle ne recevait pas ses amies, se rendait chez quelqu'une d'entre elles, et c'était la fête : elles s'embrassaient, se cajolaient, se chamaillaient, parlaient bruyamment et toutes en même temps. Elles dansaient et chantaient parfois au rythme de la darbouka en tapant des mains, tout cela en dégustant du thé vert à la menthe fraîche ou du thé de Chine, accompagné de cacahuètes grillées sur le kanoun et parfois, de cakes sucrés ou salés préparés à la maison. (...)

De tout ce temps comme suspendu, je goûte encore cette esquise proximité des peaux satinées, couleur de champs de blé à la fin de la saison d'été, la moiteur des corps à demi dévêtus de ces jeunes femmes ardentes et comme transparentes de plaisir, de ces corps qui me rendaient confusément captif et faisaient déjà doucement tressaillir mon cœur d'enfant.

Mais dès que ces Tripolitaires, ces faunesses, devaient se quitter et rentrer dans leur demeure, elles ne traînaient pas dans les rues et couraient presque, effarouchées sous leur fourrachïa, le costume traditionnel tripolitain.

Je me rappelle les avoir vues raser le mur, devant le café d'Abdou, telles des papillons effarés, pour échapper aux regards indiscrets des hommes assis silencieusement devant leurs consommations, tirant gloutonnement, par saccades, sur leur pipe à eau.


Les Mémoires de l'absent


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