Taher Ryad

Taher Ryad est né à Amman (Jordanie) en 1956. Il est, depuis les années 80, l’un des plus importants poètes (et traducteurs) sur la scène littéraire jordanienne actuelle. Ses poèmes interrogent l’absolu, la présence de Dieu ainsi que les liens de l’ontologie à la beauté. Le fonds coranique, repris par les mystiques soufis de l’Islam, constitue le socle de l’entreprise de Ryad, qui actualise ce patrimoine en s’en réappropriant les formes et en y introduisant les motifs du doute et de l’incertitude. Ryad chante la beauté du monde, non sans un sentiment d’amertume face au passage du temps et des choses et une inquiétude sur sa disparition. La poésie de Ryad, comme celle de nombreux poètes contemporains de la région, fait fi du jargon politique et, comme l’écrit Mahmoud Darwich, Ryad « est préoccupé par la recherche d’une poésie pure, qui ne se réduit pas à une temporalité quelconque et n’appartient pas aux chevaliers d’une tribu ». Mais en tant qu’expérience enracinée dans la société contemporaine, cette poésie est nécessairement imprégnée des conflits politiques et sociaux qui en constituent le contexte. Ryad a publié à ce jour plusieurs recueils poétiques dont La Concupiscence du vent (1983), Le Cardeur du temps (1993), Parlant d’après ses divagations (2008). Il a également traduit des ouvrages de Hermann Hesse et Pablo Neruda.

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Ma brûlure

Pour le feu, je n’ai été que du bois

Ou des feuilles

Je ne déçois pas celui qui m’aime

Le vœu de l’aimé est de reverdir en feuilles

Et de sécher vert…

Et il souhaite brûler !…


Ma déviation

Peut-être est-il déviation

Si tu es le Premier et le Dernier

Celui qui resserre et Celui qui déploie

L’Apparent et le Caché

L’Absent et le Présent

Tu es le Tout dans le tout

Alors, Dieu, qui sommes-nous ?


Il n’a pas de couleur

Il n’a pas de couleur

Ni de goût

Ni d’odeur

Et ce n’est pourtant pas de l’eau…

Il ne prend pas la forme d’un ustensile

Ni ne peut être contenu par aucun

Plus désirable que l’innommé

Son écho est plus délicieux

Que tous les noms

Nu pour toujours

Et pour toujours il a froid

Avec lui se couvrent et se chauffent

Toutes les choses

Ce n’est pas un espace

Mais tout espace sommeille entre ses mains,

Ce n’est pas un nuage

Mais s’éveille dans ses yeux

Tout nuage

C’est une maison

Et il est le cheminement vers une maison,

C’est une coupe

Et le vin dans une coupe

Il passe depuis l’éternité vers son demain

Et il est celui qui vient de son demain

Pour que le passé échappe à ses mains

Et il est l’intime l’éloignement la liaison la séparation l’absence le possible

Et il est autre…

Je l’aurais connu,

Si l’aube n’avait pas dévoré la nuit

A l’improviste,

Si les dunes de sable ne s’étaient pas immergées

- sans retour -

Dans la mémoire des nuées !


 

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