Han Kang, prix Nobel de littérature
J'ai trouvé un texte de Han Kang dans ce recueil de nouvelles coréennes (2019)
Pars, le vent se lève
C’était un songe brumeux, dont je n’arrivais pas à saisir d’autre image que celle d’un oiseau blanc au long cou, debout sur un terrain plat. Il pleurait et se décolorait progressivement à partir de la tête. Devant mes yeux, il est devenu invisible jusqu’au bas du cou, je ne voyais plus que le reste de son corps, couvert de ses ailes blanches, avec deux longues pattes fines. J’ai ouvert les yeux en me disant : S’il continue à chanter, il deviendra complètement transparent. La nuit était profonde.
Peut-on appeler oiseau un animal qui s’évanouit ainsi dans la transparence ? Pendant que je tapais des pieds à l’arrêt de bus en soufflant sur le dos de mes mains, j’eus envie de le toucher, de palper cet air glacé où rien ne restait de lui. Je fus saisie d’une peur soudaine. Que signifiait ce rêve ? Ce que j’allais écrire maintenant, était-ce comme le chant de l’oiseau ? Quand j’aurais fini d’écrire cette histoire, ne serais-je plus rien, comme lui ? Plus rien d’autre que l’air froid et vide ?
Ça m’est égal, murmurai-je en serrant les dents, de toute façon, vivre comme un oiseau blanc, cela ne me plaisait guère.
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