Han Kang

De tout le menu, qui comportait une dizaine de plats, ma femme n'a pris que de la salade, du kimch'i, et de la bouillie de potiron. Elle a même refusé le potage aux pâtes de riz gluant, au goût si délicat, sous prétexte qu'il était additionné d'un bouillon de viande. Les autres poursuivaient leur conversation en ignorant de plus en plus sa présence. Quelques-uns d'entre eux, me prenant en pitié, m'interrogeaient de temps à autre, mais je me sentais rejeté, mis dans le même sac que ma femme.

On nous a servi des fruits en guise de dessert et elle a picoré un morceau de pomme et des quartiers d'orange.

  • Vous n'avez pas faim ? Vous n'avez presque rien mangé !

C'est sur un ton courtois et chaleureux que l'épouse du président avait voulu lui exprimer avec délicatesse son intérêt. Sans sourire, ni rougir, ni même hésiter, ma femme a fixé sans répondre ce visage distingué. Ce regard avait de quoi gâcher l'humeur de toute l'assistance. Se rendait-elle compte de l'importance de ce dîner ? Savait-elle qui était cette dame d'âge mûr ? A cet instant, son cerveau, dont le fonctionnement restait un mystère, m'est apparu comme une chausse-trappe sans fond.


LA VEGETARIENNE

 

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