Han Kang

Le chien qui m'a mordu la jambe est attaché à la moto de mon père. Sous le bandage, on a collé sur la morsure des poils de sa queue passés au feu. Je me tiens devant le portail. J'ai neuf ans. C'est un jour de chaleur. La sueur coule, même lorsqu'on reste parfaitement immobile. La langue rouge du chien pend sur son menton. C'est un beau chien nommé Blanc, plus costaud que moi. Tout le monde louait son intelligence, jusqu'au jour où il a mordu la fille de son maître.

Mon père m'a dit qu'il ne le suspendrait pas à un arbre au-dessus du feu pour le battre. Il a entendu dire qu'un chien traîné à mort donnait une viande plus tendre. Alors il fait démarrer sa moto, commence à rouler en tirant l'animal. Il fait deux tours, trois tours du quartier, en empruntant toujours le même trajet. Immobile, debout devant le portail, je regarde passer Blanc qui s'épuise de plus en plus et halète, les yeux exorbités. Chaque fois que nos regards se croisent, j'écarquille un peu plus les yeux.

Tu m'as mordue, sale chien !

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Ce soir-là, il y a une fête chez nous. Tous les hommes du marché que je connais sont réunis. Comme on m'a dit que je devais en manger moi aussi pour guérir ma morsure, j'en prends une cuillerée. Non, pour dire la vérité, j'en vide tout un bol, mélangé avec du riz. L'odeur de la viande que le parfum de sésame n'a pas réussi à couvrir agresse mon nez. Par-dessus la mixture, je vous apparaître ces yeux qui me regardaient tandis qu'il galopait tout en crachant un sang mousseux. Ca ne me fait rien. Vraiment rien du tout.



LA VEGETARIENNE

 

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